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[ MISSION ] Une âme s'est envolée (2/2) (/!\ SOMBRE)

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Message par Anax Dim 24 Mar - 20:06

Un an après sa disparition, j’étais obsédé par l’idée de rassembler les toiles.

J’avais compris qu’elles seraient toujours là, collées aux parois de mon crâne, crachées par un voisin de caisson ou suspendues entre les poulies de la faille. A défaut de m’en débarrasser, j’avais choisi de les provoquer, comme pour prolonger son existence au-delà de celle de son corps. Alors, j’ai gravé son visage à l’arrière de mes yeux. J’ai inscrit la douleur des aiguilles dans les cicatrices de mes mains. J’ai raconté cent fois ses histoires à Sahn et Heli pour qu’elles survivent. Mais ça suffisait pas. Certains soirs, les toiles autrefois éblouissantes s’atrophiaient, remplacées par des lueurs ternes, isolées les unes des autres. Presque mortes. J’ai commencé un journal mental pour enregistrer l’évolution de leur éclat. 12 octobre, 01 :12, 4 faisceaux, bleu profond, clignotement faible. 15 octobre. Rien. 3 novembre, 22 :47, réseau complexe et scintillant, azur intense. Arcko m’a dit que tu lui avais sûrement sauvé deux doigts à la main droite. 4-5-6 novembre. Rien, genre vraiment rien. 7 décembre : elles sont partout, je vois tout à travers elles ! Je suis retourné chez nous, par le même chemin. Les nouveaux occupants m’ont laissé entrer. Nos têtes ornent toujours le bas de la plaque sud. La gravure s’est polie, t’as plus qu’une joue et ça te donne un air étrange. Ils m’ont reconnu. La femme m’a parlé de toi.

J’ai tenu l’inventaire pendant deux ans. Ça semble absurde et débile quand j’y repense, mais à ce moment-là, j’étais persuadé que c’était l’unique condition de sa survie. La mentionner régénérait les toiles. J’ai donc passé des journées entières à demander à chaque habitant que je croisais, même à ceux que je ne connaissais pas, surtout à ceux que je ne connaissais pas, ce qu’ils savaient d’elle. Je prenais un peu tout, souvent aussi pas mal de n’importe quoi. Mira ? Celle du dispensaire ? Mon fils s’était ouvert la tête, ça pissait le sang. J’ai bien cru qu’il allait y rester. T’as déjà vu une cervelle ? On fait toute une histoire de ce qu’on a dans le crâne, mais c’est juste un truc mou et rosâtre, plutôt dégueulasse. J’ai pas pu regarder longtemps. Mais elle, elle a pas flanché, comme si c’était une simple blessure au genou. Mon gamin a survécu. Encore aujourd’hui, je l’explique pas vraiment. C’est ta mère ? Ça fait un moment que je la vois plus quand j’amène mes mômes. Tu lui diras qu’il va bien. Mon gosse. Il s’appelle Aren. Peut-être qu’elle s’en souvient, ou peut-être pas. Moi, je la remercie silencieusement, tous les jours. // Qui ? La blonde qui troque des clopes deux failles plus loin à l’est ? Elle m’a avancé un paquet. Préviens-la que je passerai en fin de semaine. // J’habite à côté du dispensaire. Mes filles la croisaient souvent dans l’escalier qui remonte vers la Cité. Elle transportait toujours un petit objet marrant qu’elle leur prêtait. Un oiseau qui battait des ailes, une voiture contrôlable à distance, des sortes de briques robotiques qui pouvaient s’assembler de plein de façons différentes. Elle disait que c’était son fils qui bricolait ça. Un garçon malin mais trop curieux, le genre à suivre un reflet bizarre sur le Dôme pour essayer de comprendre ce qui le provoque et à se rendre compte deux heures plus tard qu’il a presque atteint la gare de l’ouest. Je suis fière de mes enfants, mais elle, c’était autre chose. T’aurais dû l’entendre quand elle parlait de lui. C’est bizarre, quelque part, j’ai l’impression de le connaître un peu ce gamin. //

Les anciennes toiles restent, de nouvelles se tissent, certaines sombres, d’autres étincelantes, un infini de bleus pour dessiner éternellement M-I-R-A dans l’espace limité de mon cerveau. Je pourrais expliquer à la fille du Lys qu’un corps mort n’est plus rien, et qu’après l’avoir quitté, les poussières de vie déferlent encore dans le bleu des toiles et dans celui des pulsations électriques qui inondent les circuits de l’enfant gynoïde. Les réseaux robotiques et ceux du souvenir se prolongent au-delà de la matérialité des chairs et du pourrissement des tissus, après les vers et la puanteur. De toutes façons, il ne nous reste que l’invisible quand le long des failles du Gouffre, les corps des disparus manquent. Vouloir garder un cadavre ou le ramener à une mère, c’est bien un truc de privilégié ou d’égoïste. On l’enterre, on le pleure, on fait une cérémonie d’adieu en son honneur, et ensuite, plus rien. La vérité, c’est que les vivants ne pensent qu’à eux-mêmes. S’ils estimaient leurs morts, s’ils les respectaient vraiment, ils se foutraient bien de vénérer des tas monstrueux de chair et d’os inertes, comme s’ils portaient encore quelque chose de leur vie d’avant. Ils n’en auraient même pas besoin pour rappeler et récréer les bleus. Tous ceux de la Cité le savent. Mais pas la fille du Lys. Elle percute violemment mes jambes avant de révéler et d’embaumer une dépouille, sans réaliser à quel point ces pratiques sont vides de sens. Ça sert à rien de la dissuader, ou même de la convaincre que ramener un corps apparaît en réalité plus inhumain que de sauver un robot. Elle comprendrait pas.

Alors, je la regarde faire.

Détachée, impassible, ses mains recouvrent les restes d’une tête blonde.

Ghellen serre l’enfant gynoïde contre elle, sa lame pointée vers moi.

Sa haine s’écrase à mes pieds.

Elle refuse mon aide et condamne le robot.

C’est fini.

Les menaces sur la vie de Tilt, ma journée de travail explosée, le dégoût et les insultes de tous les côtés, la piqûre du poignard de la fille dans mon dos, la fourrure blanche du panda souillée de rouge, l’odeur de putréfaction d’une enfant et Ockham, Ockham, Ockham. Tout ça pour finir de façon aussi absurde ? En laissant repartir docilement les oppresseurs du Lys, ceux-là même avec qui elle m’accuse injustement d’avoir pactisé ? En abandonnant sans raison une gamine méca à la surcharge énergétique fatale, une gamine pour laquelle elle me planterait à tout instant, une gamine que j’aurais pourtant pu sauver ? Ça n’a aucun sens et ça me rend malade. Je sens que je rate un truc, mais j’ai beau me repasser en boucle la séquence d’évènements, impossible de trouver le lien logique qui les unit.

Deux pas en arrière. Hors de portée immédiate de son couteau.

Je baisse les yeux. Les cheveux ont disparu.

Blonds.

Tout s’assemble et la solution surgit, limpide. Je suis vraiment trop con de pas y avoir pensé avant. J’effleure le bras de la fille, toujours concentrée sur le corps, le corps comme la résolution rapide de sa mission et le moyen de quitter définitivement le Gouffre :

« At-attends. Ça colle pas. Ou alors tout cadre trop parfaitement. Mais il manque quelque chose ou quelqu’un, c’est pas possible autrement. »

Entre la menace du couteau, l'odeur dévorante et la découverte de notre erreur prodigieuse, tout s’embrouille. Difficile de rapporter mes conclusions aussi clairement qu’elles se sont imposées à moi :

« Ce que j’essaie de dire, c’est qu’elles tiennent l’une de l’autre, Ghellen, l’enfant gynoïde et celle sous la bâche. Regarde-les, les cheveux, les yeux, les pommettes hautes, la ligne de la mâchoire ou ce qu’on en devine encore, c’est évident. »

A bout de souffle, je jette un regard à Ghellen. Sans la quitter des yeux, je demande à la fille :

« Elle ressemblait à quoi la gamine de la Caste ? »

Il manque le contact froid de l’éclat métallique que j’ai laissé tomber au sol, au moment où je pensais encore pouvoir la raisonner ou jouer sur l’affection qu’elle semblait éprouver pour l’enfant. Il manque l’évidence qui explique l’anomalie que nous représentons tous les trois, associés dans cette pièce dénuée de cohérence. Il manque la confiance que la fille placera dans ce que je raconte. Il manque la confirmation de Ghellen que j’ai raison.

Et si c’est le cas, il manquera la protection de mon miroir aux cheveux blancs, étrange et glaçante, terrible et nécessaire, lorsque Ghellen décidera de ficher son couteau dans mon flanc.
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Message par Anita Lun 25 Mar - 11:37

Elle était fatiguée.
Essorée par leurs complications.
Irritée par les répliques de cette folle. Car déjà prête à saisir le corps, en dépit de l'odeur, en dépit de l'aspect, en dépit du lieu qui lui martellait le crâne - qu'on ne lui dise pas que la précarité poussait les gens à accepter les ordures, les corps décomposés comme flagrance de vie, qu'on ne lui dise pas ça !- elle se sentit un peu bousculée par les paroles de l'autre.
Lentement, elle releva ses yeux vers lui. Son visage sans émotion évoquait chez elle ce début de prise de conscience.
Mais plus important : pourquoi ? Pourquoi l'aider à y voir clair ?  Parce que l'autre venait de le rejeter ? Cette aliénée de plus ? Etaient-ils donc si prompts et aptes à se pousser à tour de rôle vers le gouffre sitôt leurs valeurs froissées ?

Bref coup d'oeil à Belphor. Il ne tiendrait pas longtemps : ses mouvements, gênés par l'arme, il se retenait encore de la retirer, à défaut de quoi il luttait pour ne pas frapper quelque chose... Pour un très court moment, infinitésimal, elle fut tentée de lui dire : casse-tout. Va, déchaine-toi, explose la tronche de cette sale conne, fais-lui regretter ses actes répugnants. Mais elle se contint... Aussi étrange que ce soit, elle le fit pour le jeune homme. Peut-être qu'en parallèle de cette irritation grandissante il l'avait suffisamment amusée pour qu'elle cherche à vivre une seconde issue par elle-même. Comme un besoin de saisir la finalité de leur vision creuse du monde, voir jusqu'où celle-ci les mènerait. Leurs idéaux, leur valeur préconçue, leur besoin indispensable de rejeter la faute sur des nantis... C'était, au fond, ce qui expliquait qu'ils en étaient là, aujourd'hui, à se cracher dessus entre eux, dans l'espoir d'une meilleure vie qu'on saurait leur distribuer. Pourtant, cette vie meilleure, ils la refusaient sitôt qu'il en croisait des aspects de riches. Un mélange pâteux de lâcheté et de fierté. Un non sens qui devenait surplace... alors il suffisait d'attendre, d'en voir la finalité, non ?

"Ah..."

Elle se redressa, massant son poignet d'une façon machinale, sa tête penchée sur le côté à mesure qu'elle observait l'android effrayée.

"C'était la même. En dehors des cheveux, et de la couleur des yeux..." lui avoua-t-elle, interloquée, assez impressionnée par sa rapidité d'analyse, et pour le reste : vide de toute empathie à évoquer cette machine.

Elle aurait tout aussi bien pu souligner l'aspect d'une boîte de conserve. S'il leur plaisait à coeur de transmuter de l'intelligence artificielle jusque dans une théière, pour la forme, ça les regardait : cette enfant n'en était une que par l'aspect, elle ne s'était pas développée, n'avait pas grandi, ne vieillirait jamais, aucune cellule ne saurait mourir et renaître pour la modifier de sa naissance à sa mort, il n'y avait pas même l'ombre d'un code génétique qui lui soit propre et tortueux, des empruntes millénaires d'une évolution que chaque acte de hasard et de survie avait forgé : ici, rien de tel. Rien d'autre qu'un programme, choisi, sélectionné jadis, par des hommes de la manière qui leur plairait au mieux ? Tout comme cet android plaisait bien...à cette femme ? Ses yeux s'agrandirent un peu.

"Sa mère... m'aurait-elle menti ?" Elle resta circonspecte, pas forcément irritée cela dit. En silence, elle se rapprocha du jeune homme, délaissant le cadavre à travers des mouvements pieux qui sauraient rester respectueux. Elle jeta un coup d'oeil à Anax, étrange, mi interrogateur, mi amusé.
A quoi tu joues, jeune homme ?
Pourquoi t'allies-tu avec ce que tu parais détester le plus ?
Par principe de survie, ou pour le bon souvenir de ton père... mh ?
Un frémissement de sourire. Le dégout était encore là, surplombé par une patience qui touchait à sa fin... quelle comédie, vraiment.

"Vas-tu enfin t'expliquer  ?!" tonna-t-elle soudain à la femme, d'une voix brusque en tournant sa tête vers elle.

"Penses-tu pouvoir être assez civilisée pour qu'on comprenne enfin toute cette comédie ?!"

Et sans lui laisser le temps de cracher sa haine potentielle

"QUI est cet android ? L'as-tu volé à la Caste car elle ressemblait à ta fille morte, là, derrière ?"

"FAIS PREUVE D'UN PEU DE FIERTE ET PARLE !"

Derrière, le souffle du théri s'emballait, un tempo qu'Anita connaissait : calqué sur une dangereuse alarme.
Elle ne tiendrait pas Belphor longtemps, elle le savait. S'il finissait par exploser au point de tout balayer ici, elle ne ferait qu'un pas en arrière dans un silence sage... C'est que cet animal, traité comme tel depuis trop longtemps dans sa captivité, devait subir quelques relents de nostalgie désagréables sous une telle odeur, dans un tel caisson, et blessé : au plus près du coeur... même Anita, elle ne pourrait le rappeler à la raison, pas cette fois.

@Junk @Anax

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Message par Junk Ven 29 Mar - 23:36

C’est terminé. Ghellen, face à cette inextricable situation, s’en rend bien compte. Elle s’était toujours doutée que ça finirait ainsi. C’était un plan absurde, dont elle avait davantage pris en compte les résultats potentiels que les probables risques auxquels elle était restée volontairement aveugle. Un projet basé sur des espoirs fous et des suppositions hasardeuses. Quelles étaient les chances que cela soit un succès ? Quasiment aucune. Mais s’il n’y avait une chance, rien qu’une, elle s’était dûe de la saisir. Une chance de ramener sa fille à la vie.

Une fille qui des mois plus tôt avait succombé à la maladie, faute d’identité, de puce et de soins. Maintenue en vie mais surtout dans la souffrance dans années durant par une mère désespérée, qui avait vendu son âme comme son corps afin de lui offrir une médicamentation aussi douteuse qu’onéreuse qui au final n’aura pas su la sauver. Avec la mort de son enfant, le combat de Ghellen touchait à sa fin. A la fin de cette lutte, ne lui restaient que les remords et les regrets. Plus rien alors n’avait de sens. Au point que rien ne pouvait plus lui paraître absurde.

Ni l’idée de trouver une androïde qui ressemblerait à sa fille, ni celle de la subtiliser à ceux des hauteurs, ni celle de refaçonner sa mémoire afin d’en devenir la mère. Ni celle, la plus absurde de toutes, qu’une androïde pourrait un jour remplacer son enfant. Et pourtant, à cet instant, tout lui paraît soudainement si clair. Quand ces intrus comprennent ce qu’elle a fait et qu’ils la mettent face à la folie de ses actes. Quand ce jeune homme lui rappelle que la méca a été massacrée au point d’en être condamnée. Quand cette affreuse jeune femme ne semble même pas capable de concevoir quelle folie l’a menée à agir ainsi. Quand ce Théri bestial se met à baver de rage rien qu’en la regardant. Tous ces yeux tournés vers elle, qui la considèrent comme un véritable monstre.

C’est ce qu’elle est. Ce qu’elle est devenue. Mais quelle mère n’accepterait pas de devenir un monstre, pour le bien de son enfant ? Prostituée. Trafiquante. Meurtrière. Elle avait tout donné. Et si ça avait pu sauver sa fille, elle n’aurait pas eu le moindre regret. Elle ne s’était jamais considérée comme un monstre, simplement comme une mère prête à tout.Mais aujourd’hui, elle n’a plus cette excuse. Au fond d’elle, elle le sait. Rien ne ramènera jamais sa fille. Tout ce qu’elle a fait, toute cette idiote mascarade, ce n’était que pour faire taire sa propre douleur. Arracher une enfant à sa mère pour en faire la sienne. Cette fois, même à ses yeux corrompus, elle était allée trop loin.


Fermez-la ! crie-t-elle pour faire taire ces questions qui l’assaillent. A quoi bon t’expliquer ? Tu es trop civilisée pour comprendre.

Elle s’agenouille, prend le visage de la petite gynoïde entre ses mains. Regarde dans ses yeux confus qui ne semblent rien comprendre. Est-elle effrayée ? Elle même ne doit pas le savoir. Plus rien ne doit faire sens dans son petit circuit neuronal. Délicatement, Ghellen passe la main dans ses cheveux blonds.

Maman ?..fait l’androïde.

Ces mots qu’elle rêvait pourtant d’entendre la prennent à la gorge et lui font serrer les dents. Ce n’est qu’un beau mensonge. Le programme enfantin de ce robot défectueux ne sait certainement même plus qui appeler “ Maman “. Lorsqu’elle s’en ira en compagnie de cette jeune femme, nul doute qu’elle lui donnera aussi du “ Maman “. Ce que l’on pourrait appeler son esprit est irrémédiablement détruit. Ghellen sait qu’elle a fait tuer cette enfant. En vain.

Vous arrivez trop tard… Le mal est fait. Celle que vous cherchez… est déjà partie. confesse-t-elle avec douleur. Tout ce que j’ai réussi à faire… c’est faire souffrir quelqu’un autant que moi.ajoute-t-elle pour elle-même.

C’est terminé. Elle en a assez de cette lutte insensée. De la douleur, des regrets, de la culpabilité. S’il y a encore une seule chose qui fasse encore sens à ses yeux, c’est qu’elle n’a plus rien à faire en ce monde. C’est la seule issue. C’est ainsi et maintenant que ça doit se terminer, de toute façon. Que ce soit déchiquetée entre les griffes d’un ursidé ou de sa propre main, elle est foutue dans tous les cas. C’est certainement cette solution-là qu’elle aurait dû choisir en premier. La seule qui avait du sens. Un dernier geste mû par un instinct maternel, elle détourne l’androïde en la prenant par l’épaule. Elle pointe ensuite le couteau vers sa jugulaire, le manche tenu d’une main ferme, les yeux lucides et grands ouverts, avant d’enfoncer la lame d’un coup sec. Elle la retire aussitôt en poussant un râle, se laisse choir en arrière sur un tas d’ordures. Un flot abondant de sang s’échappe de son cou, si bien qu’il ne lui faut qu’une poignée de secondes avant de perdre connaissance. Son corps est ensuite secoué de violents soubresauts avant de s’immobiliser lentement.

L’androïde se retourne, tête baissée, pour faire face à ce spectacle morbide. Mais plutôt que de rester amorphe, elle s'agenouille lentement auprès du corps inerte de Ghellen et se met à le secouer machinalement.


Maman ? Maman ? Maman ?répète-t-elle encore et encore.
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Message par Anax Lun 1 Avr - 14:55

La gamine de la Caste n’en était pas une.

Juste un robot programmé pour remplir les vides dans le ventre des humains. Une histoire ordinaire de possession des premiers par les seconds, quand on est pauvre et vrillé, il reste encore les méca pour tricher sur la vie. On fout toute cette folie et cette désolation dans un corps métallique, ça ressort sous forme d’affection logicielle, et du moment qu’on y croit, peu importe qu’elle passe par le cerveau ou par des circuits synthétiques. La fille perdue dit maman, c’est tout ce qui compte, deux syllabes et trois pas en arrière au bord de l’abîme. Un jour de plus à résister à l’appel du précipice. Un jour de plus passé sous le Dôme. Puis un autre. Encore un. Et ainsi de suite, jusqu’au matin où « maman » devient le motif d’un crime pour une fille du Lys à la recherche d’une enfant enlevée.

Sauf que la gamine de la Caste n’en était pas une. Elle n’a jamais vraiment disparu.

Propulsée dans le Gouffre, certains ont pénétré ses circuits, défoncé son algo pour en implanter un autre, t’inquiètes ça ira, elle oubliera tout de l’avant et tu penseras plus au bruit des scies qui ouvrent son petit crâne, ça viendra te consoler quand tu hurles en silence. Y’a pas de monstres, y’a que des mères qui pleurent des âmes privées de corps, des filles aux cheveux blancs qui pensent purger le Gouffre armées d’un poignard, tout ça pour fuir la vibration de l’absurde et l’écho dans le néant, des centaines de mètres plus bas. Là où se trouvent le drone et le vertige de l’ailleurs. Mais je me tiens encore sur la rive, ramené par les paumes puissantes de Cato, par sa voix chaude, son rire lumineux et tous nos rituels, par les yeux verts qui se noient de Nova, sa main brûlante sur mon ventre et son dos qui frémit sous mes doigts. Le panda, lui, pourrait basculer dans l’abysse d’une minute à l’autre, rien ne le retient plus, pas même la fille.

Parce que la gamine de la Caste n’en était pas une. Qu’elle n’a jamais vraiment disparu. Et qu’elle va crever.

Exactement comme celle qui l’a conçue. Je regarde Ghellen, les yeux écarquillés, figé, comme frappé par la foudre, et elle, droite et décidée, enfonce le couteau dans son cou. Je me précipite vers elle sans savoir pourquoi et je presse mes mains contre la blessure pour tenter d’endiguer le magma rouge qui s’en échappe. On se fait une idée très saisissante de la mort. En réalité, c’est beaucoup plus silencieux que ce qu’on peut penser. Le corps s’effondre rapidement, privé par le tas d’ordures d’un dernier choc sourd dans le monde des vivants. Le jaillissement spectaculaire du rouge, c’est un truc auquel l’imagination peut se raccrocher. Mais là, le sang coule lentement, chaud et visqueux, entre mes doigts, jusque sous mes genoux. Le corps tressaute encore quelques fois sous mes mains, et puis il s’immobilise presque discrètement, avec un peu de dégoût et beaucoup de sidération.

Merde, merde, merde.

Il n’y a vraiment rien qui va. On meurt toujours mal ici, mal et salement, au milieu des déchets, baigné dans une mare écarlate, sous des yeux qui ne discerneront jamais les toiles tissées pour soi. Assis sur mes pieds à côté de son corps inerte, une main encore sur son cou, je presse violemment l’autre contre ma tempe. Le sang poisseux marque mon front, colle mes cheveux blancs et je ne vois plus que le rouge, sur mes mains et dans mon crâne, le rouge définitivement inscrit dans une mémoire qui sert à rien. Je ferme les yeux pour que le noir engloutisse tout, quand je sens une petite paume froide se poser sur la mienne. L’enfant gynoïde se tient à côté de moi. La vérité nage dans ses pupilles perdues. J’essaie de maîtriser ma voix et toujours assis, je me tourne vers elle :

« Hey, t’inquiètes pas, elle s’est juste évanouie. C’est rien. Tu vois, j’appuie sur sa gorge pour qu’elle tienne le coup et… elle te lâcherait pas, j’en suis sûr. »

Je ravale l’honnêteté qui surgit au coin de mes lèvres pour l’enfouir dans mes entrailles et je la sens me bouffer de l’intérieur. Personne m’avait prévenu qu’il était aussi pénible de mentir. Mais il n’y a pas de version de l’histoire dans laquelle tu t’en sors. Ta fin se dessine dans les réseaux électriques rougis et flotte dans l’odeur des fusibles grillés. Elle se détermine dans le regard bleu impassible de la fille du Lys et dans l’impossibilité de te ramener à la Caste. Alors, elle t’abandonnera au Gouffre, et dans quelques heures, démembrée, dessoudée, il deviendra impossible de deviner que tu as effleuré ma main en murmurant maman. Personne ici n’imaginera la douleur insoutenable causée par le nœud serré au creux de mon ventre. Personne ne comprendra ce qui la provoque. On n’a pas encore inventé de mots pour décrire la peine qui naît à la simple pensée de l’inéluctable. Il n’y a qu’une chose à faire. Une seule chose juste :

« Quand je panique, mon meilleur ami appuie dans mon dos avec sa main, et j’ai juste à me concentrer sur ses gestes. Ça paraît débile mais ça marche vraiment bien. Tu me laisserais essayer ? »

Elle hoche la tête, je place une main derrière sa nuque, et dans son cou, j’effleure les commandes de désactivation. Le reset de sa mémoire a probablement restauré ses paramètres initiaux. Je me raccroche à une logique froide de fonctionnement méca tandis que je teste des séquences de base, mais ça suffit pas à dénouer le nœud et à dissiper l’évidence : je suis en train de la tuer et cette réalité ne porte un sens terrible que pour moi, et moi seul. Alors, pendant que je cherche la fin qui me semble la plus humaine pour elle, je continue de lui parler doucement. Elle me regarde et je lui souris tristement. Elle a arrêté d’appeler maman.

Kernel deactivated.

Ses yeux s’éteignent. Sa tête penche en arrière. Elle tombe sans bruit. Je reste là un instant, les paumes de part et d’autre de son corps, penché au-dessus d’elle. Excuse-moi pour le néant, pour les sourires hypocrites et l’embrasement fatal de tes circuits. Excuse-moi pour le non-retour, le réconfort factice et le sang dans ta nuque.

Excuse-moi.

Je passe un bras sous son cou, l’autre derrière ses genoux, et je me relève, son petit corps inerte, pesant comme celui d’un orga, sur les bras. Je me place devant la fille du Lys, aussi immaculée que je suis souillé :

« Une ordure criminelle du Gouffre en moins, la fin d’une folie méca, le sang d’une autre plein les mains et une mission réussie. Finalement tout rentre dans l’ordre et chacun a ce qu’il mérite, hein ? »

Je me sens vidé de tout. Je regarde la fille sans la voir, le panda disparaît, un poids mort alourdit mes bras, au final un robot désactivé c’est comme un amas de chair sans vie, quand les circuits ne vibrent plus, la physique écrase tout : neuf kilos ennuyeux de plastique et d’acier. Il ne reste que ça.

« Mais j’ai buté une gamine, une femme est morte pour rien, je m’en fous de qui elle était, elle a tué personne et elle est morte pour quoi ? Pour les mensonges d’une autre tarée de la Caste ? »

J’ai même pas de colère à t’offrir. Je baisse la tête vers ses yeux grands ouverts qui ne voient plus. Je sens à peine ma vision se brouiller. A quel moment tout a dérapé ? Est-ce à l’instant où la fille et le panda ont franchi la porte de l’atelier ? Ou quand j’ai accepté de renseigner Ghellen sur l’entretien d’un robot ? Quand j’ai compris l’identité de la petite gynoïde ou quand mon double du Lys a menacé sa mère de substitution ? J’ai la tête vide et les bras chargés. J’étais pourtant sûr de moi, sûr de tout, plus sûr que la fille, sûr de la séquence à rentrer et de la désactivation qui allait venir. Je tiens cette vérité autant qu’elle me tient. J’ai eu raison, je crois. J’aurais pu faire tel choix et pas tel autre, faire ceci au lieu de cela, parler ou me taire, peu importe, tout aurait finalement convergé vers ce moment car :

« Ça a pas de sens, ça a aucun putain de sens. »

Mais peut-on espérer en trouver dans toute chose quand notre existence est bornée par une bulle de plasma, quand des filles aux cheveux blancs s’écrasent comme des météores dans nos caissons pourris pour nous éventrer ou quand elles ne s’émeuvent pas du silence de la mort, du silence qui avale tout et dont il n’émerge rien, en dehors de l’oubli immédiat des trois corps qui hantent cet abri merdique et du poids sur mes bras et dans ma chair ?

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Citoyen
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Anax
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Message par Anita Lun 1 Avr - 17:15

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Caïn dit à l'Éternel: Mon châtiment est trop grand pour être supporté. Voici, tu me chasses aujourd'hui de cette terre; je serai caché loin de ta face, je serai errant et vagabond sur la terre, et quiconque me trouvera me tuera.
Genèse 4:13-14


L'animal sera ta pénitence, et mon jugement ton salut
Sois tranquille, repens-toi. Ici et maintenant. Car dans l'enfer d'où tu es né l'enfer t'a guidé vers la faute, et pauvre pécheur à la faute tu t'es donné. Mais de ta faute tu en seras pardonné...


L'issue était inévitable. Elle le vit dans ses yeux, ne fit qu'attendre, mutique et impavide, mais pourtant avec une telle satisfaction au fond d'elle-même en comprenant que Ghellen acceptait enfin ses crimes.

Rares étaient les êtres purs, partout, surtout au sein du Gouffre. Ghellen elle-même l'avait compris, à présent, de quel côté elle gravitait : possédée à son insu par la bestialité de son habitat. Comment souhaites-tu te repentir, Ghellen ? Comment ? Elle pencha sa tête, la regarda s'emballer,  en gardant un calme insolant. Dans son dos, Belphor avançait. Pourtant, Anita eut cette froide folie de lui bloquer le chemin, laissant le droit au garçon de s'élancer.
Laisse-leur le temps... Belphor... laisse-le faire...

Un sourire, impossible à retenir, un sourire resplendissant orna ses lèvres hâves quand elle vit le constructeur chercher à endiguer le flot. Trop tard, idiot. Le seul acte lâche qu'elle pouvait encore commettre sous les yeux de cette boîte de conserve, qu'elle avait, il y avait à peine quelques minutes plus tôt, considérée comme sa propre fille, fut de mieux en traumatiser ses circuits, ici, à mille lieux sous terre.

Subitement, elle sentit le souffle sur sa nuque, et des crocs non loin de son crâne. Sous un tressaillement, les sourcils à peine froncés, elle serra alors lentement le poignard dans sa paume, sans se retourner... "Sors" intima-t-elle à Belphor, dont le souffle se faisait plus pesant. Elle remonta ses épaules, plus crispée. S'il ne bougeait pas, elle le poignarderait, elle le pensait. "SORS D'ICI !!! " hurla-t-elle soudain.
Trois pas en arrière.
Il attrapa sa tête de ses pattes. Se cogna contre les parois.
Cernait-il encore ce qu'elle lui disait ? Oui, apparemment, oui... Elle l'entendit sortir dans un chaos monstre, s'enfuir en toute trombe, créant malgré lui un mince tremblement de terre dans le caisson. Tâchant de regagner sa respiration, Anita fit des efforts pour se recentrer. Ses paupières brièvement closes. Le visage plus moite, elle repoussa, sous un souffle contenu, les mèches mouillées de ses cheveux, avant d'en rouvrir ses yeux.

Devant, Anax s'était relevé. Il semblait déconnecté de tout. Il tenait le robot entre ses bras. Son visage, ses cheveux, étaient plein de sang. Elle le considéra, lui et ce monologue.

"Aaaah, l'on dirait maintenant un enfant, à son tour.
Qu'est-il arrivée à ta mère ? Il a forcément dû lui arriver quelque chose, pour que tu haïsses à ce point le Lys et porte aux nus ce Gouffre...  
Qui pourrait t'en blâmer, ton père semblait un vrai connard... "


« Ça pas de sens, ça a aucun putain de sens. »

Contre tout attente, Anita eut un profond sourire comme désolé.

"Peu de sens, sauf pour des aveuglés... Cette femme n'en était pas complètement foutue, contrairement à une partie de tes semblables que j'eus croisés, qui se complaisent de la souffrance...

Son regard morne glissa sur le côté, vers le cadavre au loin.

"Cela fait-il une différence ? Quant aux dégâts qu'on laisse derrière soi... Toi non plus, tu n'étais pas mal intentionné, n'est-ce pas ?"

Elle reposa un regard plus froid sur lui.

"Tu ne sais pas, pour son autre mère. Tu présumes Anax... comme une large partie du monde qui présume le Lys sans jamais avoir cherché à le connaître en détails... sans jamais avoir croisé les victimes et les bonnes personnes d'un autre système. Je me suis toujours demandée... Sais-tu, toi, pourquoi les miséreux qui meurent de faim décident d'avoir des enfants?" finit-elle par souffler, hors propos.

Quand on subit l'agonie qui ronge et qui dévore les entrailles... comment peut-on accepter ne serait-ce que l'idée d'infliger pareils sévices à une prochaine progéniture ?

Alors elle eut l'audace de lever sa main gantée vers lui. Avec précaution, elle la déposa sur sa joue, baignée de rouge, penchant sa tête à mesure qu'elle le considérait d'un air faussement tracassé, venant, avec un intérêt absent qui n'était pas du tout dirigé sur ses émotions à lui, souligner de son pouce une des larmes qui perlait presque.

"Si tu sors avec ce robot, je te tuerai." lui avoua-t-elle alors. Triste sourire.

Elle gardait une pensée absente pour la véritable enfant qui avait souffert mille morts, enveloppée, abandonnée là, au milieu des sacs poubelles, dans un bunker qui serait son tombeau, oubliée de tous, déjà remplacée dans la mémoire collective par une machine... Donner naissance dans une telle misère, n'était-ce pas condamner son enfant à tant de souffrance, à une mort précoce ? Tant d'égoïste. Pas de l'espoir. Non, de l'égoïsme... Finalement, elle reposa ses yeux dans ceux d'Anax, dont la couleur était si similaire à la sienne, mais pris de reflets totalement opposés aux siens.

Qu'il ressemblait à son père. Qu'il lui était, par égard, totalement différent...

"Donne-moi cette android. Elle n'appartient ni à toi, ni à Ghellen, encore moins à moi. Elle avait une mère, c'est à elle de décider, d'assumer ses propres fautes, à présent."  

Sa voix calme, maitrisée. Pas une once d'empathie pour cette machine. Hélas, ce n'était pas à elle de juger pourquoi les plateformes avaient décidé, un beau jour, de concevoir des esclaves de fer. Elle se voulait être qu'une lance qui piquait les bêtes afin que d'en reculer leur museau, qu'il ne dévore pas un prochain enfant, fait de chair, cette fois, tristement affamé par le cercle vicieux des haines qui en alimentaient d'autres.

Elle inspira profondément sans lui lâcher le visage. A la fois ferme, focalisée sur sa réponse, mais étrangement douce.
Comme une lame, brillante, qui fléchissait la lumière, froide, et qu'une glissade marbrerait de rouge.

Toi aussi, Anax.
Seul toi, décide.
Tu peux réfléchir. Assumer que le monde est souillé à tout étage, et devenir différent des autres.
Ou tu peux céder à cette facilité que j'adopte quand la colère me prend. Celle de ce cercle de haine que ton propre mouvement de révolution a consolidé afin de conserver ton système, depuis ta naissance, craignant autrement qu'il n'implose et t'entraine dans sa chute...

Si tu t'accroches au sein de ta haine, et si celle-ci est suffisante, alors tu deviendras une bête, une de plus.
Dans ce cas, je te le promets, je t'éradiquerai.
Là aussi, ce sera une promesse.


@Anax

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Message par Anax Dim 7 Avr - 1:51

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Un jour, Nova a ramené un petit oiseau au caisson.

Elle l’avait trouvé en revenant du service de l’après-midi. Il piaillait derrière une pierre, son aile droite en vrac. Nova a ce truc pour les petites choses blessées et fragiles, pour ce qui tient encore, juste avant de disparaître. Elle dit que ces choses habitent seules dans l’infini d’une suite math convergente. J’ai dû la regarder avec un air vraiment abruti parce qu’elle a essayé de m’expliquer. Okay Nax, c’est comme si Cato cherchait à te rattraper. Tu as cent mètres d’avance et il progresse de dix mètres par seconde, toi de cinq. Comme Cato court plus vite que toi, au bout d’un moment, il aura couvert les cent mètres de retard. Mais pendant ce temps, tu auras parcouru une certaine distance, bien plus courte mais pas nulle. Cato la comblera mais tu auras déjà avancé et ainsi de suite. De cette façon, toutes les fois où Cato atteindra l’endroit où tu te trouvais, toi tu seras toujours un peu plus loin. Il ne te rattrapera jamais. Il existera toujours une distance infiniment petite entre vous. C’est clair, non ? J’ai hoché la tête et je crois que j’ai compris pourquoi elle avait recueilli l’oiseau, quand n’importe qui l’aurait ignoré ou écrasé. Quelque part, il l’invitait à infiltrer les instants distordus avant la fin d’un état et le début d’un autre et fascinée par le paradoxe de ce qui n’est presque plus, elle a plongé sans réfléchir dans la suite convergente.

Quand elle est rentrée, les mains refermées autour de la petite boule de plumes noires, on s’est regardés avec Cato. Comme d’habitude, il savait, mais pour Nova, on a décidé de remplir quasi normalement les quelques jours déformés précédant la fin de l’oiseau. Cato l’avait appelé Piaf, pas vraiment inspiré. Elle trouvait ça nul, mais le nom est resté et elle a fini par s’y faire. Nommer l’oiseau l’inscrivait dans notre temporalité à nous, et je pense qu’au fond, ça la confortait dans l’idée que la suite convergerait forcément vers sa survie. Après tout, Piaf chantait. Nova l’avait installé dans un nid de vieux t-shirts et elle nettoyait sa blessure chaque jour. Je lui avais construit un genre d’attelle minuscule avec les matériaux les plus légers possibles. Cato avait mis au point des bouillies d’algues, des filaments mous d’algues et d’autres trucs dégueu à base d’algues qu’il avait l’air d’apprécier. Mais les oiseaux ne mangent pas d’algues et les ailes brisées ne guérissent que rarement. Piaf a cessé de chanter quatre jours plus tard. On a fabriqué un genre de planeur, attaché délicatement l’oiseau dessus, puis il est parti pour un dernier grand vol dans le fossé.

Après ça, Nova a basculé. Elle restait indifférente aux blagues de Cato, ne s’intéressait plus à mes progrès sur le drone et avait arrêté de venir dans nos lits à tous les deux la nuit tombée. Elle mangeait peu, dormait tout autant. La fin de l’oiseau avait fait naître en elle une angoisse sourde, silencieuse, écrasante et lorsqu’elle hurlait certains soirs, elle décrivait les visions de Cato figé dans son sang, les projections de mon crâne explosé sur le mur et surtout la sensation de chute interminable et le bruit de ses os pulvérisés au fond du Gouffre. C’était là, avec elle, tout le temps, comme un immense voile gris qui l’enveloppait. Un après-midi, je l’ai retrouvée debout, le front contre un mur du caisson, immobile. J’ai posé doucement mes mains sur ses épaules, et quand elle s’est retournée, l’affolement s’écoulait de ses yeux verts :

« Je suis dans l’infini de la suite. Je flotte entre les jours Nax. »

J’ai appuyé mon front contre le sien et, les bras posés sur ses épaules, j’ai attaché mes mains derrière son dos :

« Je flotte avec toi, No. Tant que tu me lâches pas, je flotte avec toi. »

Elle a enfoui sa tête dans mon cou et m’a serré contre elle, longtemps. Quand Cato est rentré, il m’a trouvé assis sur son lit, et avant de lâcher « T’abuses Nax, t’as un lit bordel. », il a remarqué Nova endormie, la tête sur mes genoux. Alors, il n’a rien dit, est venu s’assoir au sol, le dos contre le cadre du lit, et doucement, il a laissé courir ses doigts à l’intérieur du bras qu’elle laissait pendre. C’est comme ça que ça a commencé. Chaque soir, pendant des mois, dans cette position, on a commencé à lister à Nova des trucs qui valaient la peine de vivre, même dans le Gouffre. S’abriter dans un pli de la faille et regarder la pluie se déchaîner. Les plats d’algues de Cato. Débuguer le drone après une nuit blanche. La chaleur et la tension de nos corps serrés quand on s'entasse à trois dans mon lit pour observer le ciel. Monter à deux sur une tyrolienne et flipper un peu. Les rayons du soleil couchant qui percent la brume dans le Gouffre certains soirs. Voler les t-shirts de Cato (ça j’avoue, c'est surtout moi). S’allonger sur le sol du caisson et imaginer les vies de nos jumeaux fictifs du Lys, des vrais connards au fait. L’écho particulier dans le fossé, près de la poulie sud, depuis un endroit très précis qu’on est les seuls à connaître. La voix de Nova qui chante au-dessus de ce recoin. Monter sur le toit du caisson et se sentir maître de TERRA. Les cinq petits grains de beauté en-dessous de mon omoplate gauche qui forment comme une constellation bizarre. Les rêves des uns dans lesquels les deux autres apparaissent et qu’on se révélera jamais totalement.

J’essaie de convoquer ces souvenirs pour repousser l’autre liste, celle dans laquelle émergent l’odeur métallique, le poids pénible de la petite gynoïde sur mes bras, et puis la sensation pénétrante de la pellicule de sang qui craquelle ma joue et me rappelle que le cadavre de Ghellen est là, tout près, dans ce caisson miteux comme espace terminal après l’infini suspendu du Gouffre et sa violence intrinsèque. Comment on se délivre de la suite math quand elle converge irrésistiblement vers notre propre lame ou vers celle qu’une fille du Lys pointe sur nous ? Comment on s’extrait de cette boucle pourrie qui ne sert à rien, qui ne remue rien ? Moi, je nourris des espoirs vains et utopistes, je me raccroche à la liste et aux rêves que je raconterai peut-être un jour à Cato et Nova et je flotte dans les jours avec eux, quelque part entre le souffle fier de la faille et le couvercle aliénant du Dôme. D’autres miséreux que moi font des gosses pour sortir de la suite. Parfois on le choisit, très souvent non, on leur donne des noms qui tiennent en une ou deux syllabes, ça se retient bien et quand on les prononce, on oublie un peu que des Plateformes s’élèvent très haut au-dessus de nos têtes pendant qu’on descend au plus profond du monde. Tout ça n’a de sens que si on peut vivre un jour de plus pour ceux qui portent les noms en une ou deux syllabes. Là où elle vit, ils n’ont sûrement pas besoin de créer du sens dans l’absurde. Leurs gosses sont des outils, de simples clés vivantes vers l’éternité, parce qu’on n’a pas encore trouvé le moyen de se répliquer soi-même pour prolonger son œuvre. Je pourrais dire tout ça à la fille, mais la façon qu’elle a de cracher miséreux lance un frisson dans toute ma colonne et me paralyse, alors je réponds seulement :

« Sûrement pour les mêmes raisons qui poussent les hommes du Lys à leur en faire. »

Il me lâche ensuite dans le fossé, et là, chaque robot désactivé à l’atelier me fait progresser de dix mètres supplémentaires vers lui. Mais Ockham me devance encore, séparé de moi par une distance infiniment petite que la fille du Lys peut choisir de supprimer en révélant la vérité ou en posant doucement une main sur ma joue.

Pourquoi tu fais ça ?

Pour écailler le sang séché et revoir les traits familiers d’Ockham, vague vestige du Lys au milieu de cet univers détruit ? Pour me rappeler que tu me tiens et que je pourrais être le quatrième à pourrir ici ? Sous les fissures rouges, suis-je vraiment si contraire à toi ? Ou bien ton monde n’est qu’il au fond qu’une création implantée dans ton crâne par d’autres, comme tes idéaux et tes hontes, tes alliés et tes ennemis ? Est-ce que tu crains de le réaliser dans mon reflet sanglant, si similaire ? Je la fixe en retour, et quand le gris croise le bleu, je ne sais pas si je dois y lire la pitié, la douceur, le contrôle ou autre chose.

Elle dévoile finalement un sourire triste en menaçant de me tuer si j’emmène la petite gynoïde. L’anomalie reste cohérente. Un gant isolera toujours le Gouffre du Lys :

« Quand tu la lui ramèneras, fais-lui promettre de pas la démembrer. De pas la filer aux chiens de la Brèche. Jure-le-moi. »

Je me rapproche d’un pas, le cadavre de l’enfant désormais contre elle. Prends-la. Je supporterais pas de découvrir que les méca tissent aussi des toiles dans le crâne de ceux qui les ont désactivés. Il y en a déjà trop pour laisser les siennes enserrer mon corps.

Cette fois-ci, c’est vraiment fini. La fille du Lys va partir. Elle emporte la petite gynoïde et me laisse avec deux cadavres et un nom. Je verrai peut-être encore le sang sortir du cou de Ghellen et sentirai parfois ses derniers tremblements sous mes mains. Ça passera, le Gouffre l’engloutira, et bientôt, ce sera comme si elle n’avait jamais existé. Mais Ockham hante désormais mon crâne, aujourd’hui et tous les autres jours. Jusqu’à ce que je sache.

Il faudra que tu reviennes, car nous sommes liés par cette ombre. Je ne savais pas que j’attendais cette malédiction.
Citoyen
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Anax
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Message par Anita Dim 7 Avr - 15:01

Anita ne s'épancha plus.
Ni sur son visage marqué, ni par ses blessures : il avait fait son choix, elle le pensa quand elle rattrapa délicatement le robot entre ses bras.

"Je te le promets" assura-t-elle, sans mentir.

Alors elle se détourna de lui, prestement, sans plus un mot, comme deux lignes parallèles qui avaient brièvement convergé à cause de la toile distordue du Gouffre : cette courbure de l’espace-temps était mimine, passagère, mais elle faisait toujours dévier les trajectoires futures.
Que vas-tu faire, maintenant ? En revenir à tes "parties terminales" ?
Aaaah... Qu'ai-je capté pourtant, dans tes yeux ?
Si ce n'est que tu vaux mieux que cette haine qu'on accorde si aisément au Lys ?
Si tu veux venir à moi, Anax, je ne te l'interdirai pas... tu le comprends ?


------

Elle l'avait trouvé à la sortie du caisson, il y avait ce chemin qui menaçait de mener vers le vide, un peu plus large, de quoi permettre à un androïd de pouvoir passer sans tomber.
Belphor était par terre, dangereusement près du rebord. Anita déposa l'android sans s'en soucier, comme on poserait un colis estampillé "fragile". Belphor se tenait la tête, recroquevillé, il se balançait d'avant en arrière. Bien longtemps qu'elle ne l'avait plus vu ainsi.

"Belphor" appela-t-elle, doucement.
Il dodelina de la tête. Alors elle fouilla dans sa gabardine, ressortit un de ces kits de secours soin onéreux du Lys qu'elle trouvait indispensable d'avoir, puis chercha une cigarette. Son pouls battait à ses tempes. La douleur dans son crâne se calma d'elle même quand elle prit une profonde bouffée. Les sourcils un peu froncés, elle ferma les yeux, la tête penchée sur le côté...
"Vas-tu m'attaquer ?" demanda-t-elle.
"Je...... ne sais pas..." Il était à la fois effrayé et perdu dans le flux de souvenirs visiblement angoissants.
"Ca serait bien désuet que je meurs de ta main. Bien que burlesque."
Elle rouvrit les yeux, resta devant lui. Il était en train d'essuyer l'écume de sa bouche d'un revers de poignet. Le couteau n'y était plus.
"Ah... tu l'as retiré."
"Il.. Je suis une abomination, Anita...?"
Il l'était, à ses yeux. Son silence l'affirma. Sur ça, elle ne lui avait jamais menti...
"Ca fait quoi....... d'être aimé...?" ajouta-t-il, hors propos.
Elle resta perplexe. Alors son regard se grisa un peu..
"Plus de mal qu'autre chose." Le seul être qui lui avait profondément accordé de l'amour avait été jugé à la peine de mort. Doucement, elle s'accroupit, en face de Belphor, croisa ses bras sur ses genoux. La fumée de la cigarette créa un fil incertain, entre eux. "Mais tu es efficace, Belphor. Tu aurais pu devenir tout autre. Tu aurais pu haïr la délicatesse du théâtre."
"J'aurais.... pu ?"
"Tu aurais pu tuer par plaisir. " Il releva des yeux timides vers elle. Avec un sourire enfantin, Anita lui agita alors sous le museau le kit de soin, qu'elle n'avait pas le moins du monde tendu à Ghellen.
"Pose-le sur ton torse, ou tu vas perdre trop de sang."
"Je... Anita, j'ai... j'ai dérapé ?"
"Presque, mais non. Ne dérape pas souvent s'il te plaît, surtout ici, ça serait fâcheux."
Il ne saisit pas la blague, ébaucha tout de même un retour de sourire, risqué, avant de maladroitement détacher la pellicule du kit, en oubliant de mélanger les deux liquides d'abord... Mal en pis, il parvint tout de même à endiguer le flot.
"Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?" finit-il par dire d'une voix étrange, blessé et confus à la fois.

S'étant remise debout, Anita leva lentement son visage vers les cieux, ses cheveux en arrière dans l'inertie froide du lieu, sa cigarette dans la main : elle n'y voyait rien qu'une mince fissure grise comme valeur d'ailleurs. Eurydice.... était-ce, ce qu'elle avait lu, un jour, entre des paragraphes fumeux de ses écrans ?

"J'ai un jouet à refourger. Nous allons rendre visite à la propriétaire de cette clé bousillée..."


---------------------------------

Tandis qu'ils arrivaient vers la frontière de la Caste, Anita murmurait contre sa bague. Des ondes désagréables vibrèrent subitement le long de son bras et de son échine pour se loger dans son oreille sous la forme d'un vrombissement latent. Elle ne fut pas surprise qu'il réponde, Dominic était un bon entrepreneur : trop disponible pour les affaires.

"Anita, comment vas-tu ?" celle-ci grimaça un peu. Elle détestait ce système d'ondes internes : l'impression que le son bourdonnait comme une guêpe coincée dans le tympan ; cela dit, elle aimerait encore moins qu'on capte la totalité de leur échange.

"J'ai retrouvé sa fille." parla-t-elle, seule au sein de le taciturnité du taxi.
Une brève attente, à l'autre bout du fil.
"...Est-elle vivante ?" Sa voix était plus troublée.
"Dominic, étais-tu au courant ?"
Courte pause.
"Comment ça ?" Il paraissait ne pas comprendre.
"Sa fille, c'est une android. Etais-tu au courant ?"

Long silence.

Comprends-tu, Dominic ? Que j'ai payé de ma sécurité, de mes moyens et de notre future collaboration pour un vulgaire Android ? La voiture s'arrêta à ce moment, vraiment non loin de chez Alma. Anita sortit sans un mot du taxi pour s'en éloigner. Elle longea l'allée qui paraissait moins désoeuvrée en plein jour ; la brume, en l'occurrence, était ce matin presque inexistante.

"Tu as ma parole que je n'étais pas au courant..." finit-il par répondre sous ce qui ressemblait à de l'honnêteté et de la confusion. Le caractère conflictuel de cette vérité paraissait plus problématique : au Lys, les Androids étaient généralement des employés : si certains habitants prenaient à coeur de les intégrer comme membres à part entière, la famille d'Anita n'était pas de ceux-là, elle ne l'avait jamais été, et Dominic le savait très bien.

"Elle a été désactivée. Je ne sais si elle pourra un jour être rallumée."
"Être rallumée..." répéta Dominic
"Ou tout autre terme qui te conviendra !" Pour la première fois depuis leur échange, elle laissa trahir son irritation.

"Je te présente mes excuses. Si j'étais au courant, crois bien que jamais je ne t'aurais demandé un tel service."

Elle reposa ses yeux sur la porte, ses pas l'ayant finalement menée à destination.

"Je veux bien te croire. J'accorde beaucoup d'importance à la confiance, Dominic." elle avait repris un ton plus doux, pourtant son regard était froid, et l'une de ses mains, celle où clignotait sa bague, s'était dès lors crispée.

"Cela va de soi... S'il te plaît, viens me voir, demain, oui demain à quatorze heures, j'annulerai mes rendez-vous pour toi."
"Très bien." Elle le souffla sans juger bon de lui souhaiter une belle journée. Rompant la communication, elle s'approcha alors de la porte et toqua plusieurs longues fois, avant de s'annoncer à voix haute. Dès que la porte fut ouverte, Anita entra sans même attendre qu'on l'invite. A larges foulées, cherchant à calmer un début d'exaspération, elle ne remarqua pas les changements opérés dans la vaste piaule et vint s'assoir à l'endroit exact où elles s'étaient consultées quelques jours plus tôt.

"Je vous en prie, asseyez-vous... asseyez-vous." demanda-t-elle, assumant son manque de politesse. La nuit avait été longue et ses efforts peu récompensés à son sens. Souhaitant se frotter les yeux dans le besoin d'ôter le voile de fatigue et d'aigreur qui les brouillait, soudain elle se rendit compte que la paume de sa main droite, celle dépourvue de bague, était toujours tâchée du sang de Ghellen qui s'était confondu dans la teinte noire de son gant...

@Junk @Anax

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Message par Berserak Mer 24 Avr - 0:33

Si fatigue et lassitude n’avaient empêché Anita de prêter attention à son environnement, elle aurait pu croire en passant la porte s’être trompée d’appartement. Il ne ressemble plus en rien à ce taudis insalubre laissé à l’abandon qu’elle avait eu l’occasion de visiter quelques jours plus tôt à peine, et qui aujourd’hui aurait certainement rappelé à sa mémoire l’antre de Ghellen. Mais contrairement à cette dernière qui avait dû endurer la perte de sa fille, Alma ne s’est pas laissée sombrer dans la folie, accrochée à cet espoir certes maigre mais qui pourtant subsiste encore. Il y a encore une chance pour qu’elle puisse bientôt retrouver sa Veda, saine et sauve. Elle doit y croire. C’est pour cette raison qu’elle a préparé la maison pour son retour, parce que si elle ne l’avait pas fait, cela aurait signifié qu’elle-même n’y croyait plus. Mais elle va revenir, avait-elle pensé en ramassant les ordures. Oui, elle sera bientôt de retour, pensait-elle en frottant la crasse. Tout doit être parfait, se répétait-elle en se débarrassant de la boisson comme des cigarettes. Et tout redeviendra comme avant.

L’appartement est lumineux, chaleureux, accueillant. Bien aéré, une agréable odeur fleurie a remplacé celle du cendrier froid. Les dessins d’enfant aux murs, qui avaient auparavant un quelque chose de l’ordre du sordide, apportent une touche de gaieté candide à ce nid douillet. Sur l’unique lit, destiné à Veda, une rangée de peluches bien ordonnées s’est réunie pour assister à son retour. Alma a patiemment lutté de longues minutes pour que toutes tiennent correctement debout, leurs regards dirigés vers la porte. De longues minutes à croire et à espérer. Elle va revenir, et vous allez l’attendre avec moi. Autour de la petite table, les deux chaises savamment placées l’une face à l’autre ne semblent attendre qu’une mère et sa fille. Et tout est prêt désormais, et à cette petite fête de retrouvailles, il ne manque plus que l’invitée.

Lorsqu’elle entend toquer à sa porte, le coeur d’Alma fait un bond à lui en déchirer la poitrine. Le moment tant attendu est arrivé. Oui, elle va enfin retrouver sa fille. Ça ne peut être qu’elle derrière la porte, c’est forcément elle. Et bientôt, toute cette longue souffrance ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Elle se précipite vers l’entrée, le visage radieux, les larmes aux yeux. Elle y croit si fort qu’elle a chassé de son esprit toute autre éventualité. Mais lorsque la porte s’ouvre d’elle-même, et qu’Anita seule en passe le pas, elle se décompose littéralement. Avec de grands yeux ronds, elle observe la jeune femme aux cheveux blancs lui passer devant et s’asseoir comme si de rien n’était. Elle reste figée, et redirige son regard vers l’entrée, s’attendant à voir Veda surgir à sa suite. Elle veut y croire. D’une seconde à l’autre, sa silhouette enfantine va faire son apparition, le sourire aux lèvres, et puis courir pour se jeter dans ses bras. Mais elle peut y croire aussi fort qu’elle le veut, cela n’arrivera pas.


Asseyez-vous, asseyez-vous. fait Anita dans son dos, l’obligeant à quitter la porte des yeux.

L’intense émotion qui s’était emparée d’Alma se mue en colère et en panique, alors que toutes ces éventualités qu’elle refusait d’envisager s’imposent soudain à elle, plus probables, plus réelles que ses vaines espérances. Les larmes de bonheur qui perlaient au coin de ses yeux viennent finalement couler avec tristesse le long de ses joues. Plutôt que de s’asseoir, elle saisit brusquement la chaise d’Anita par le dossier et la tourne vers elle, avant de saisir la jeune femme par les épaules.

Qu’est-ce que vous faites là ? fait-elle d’une voix angoissée. Où est ma fille ?!

Des questions qu’elle n’aurait pas voulu avoir à poser et dont elle craint de connaître les réponses. Sans qu’elle n’en ait conscience, ses doigts s’enfoncent comme des serres dans les épaules d’Anita, comme si la jeune femme était la seule responsable de son absence.
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Message par Anita Jeu 25 Avr - 1:03



Elle regardait par la fenêtre. Enor ne s'était pas annoncé. Ses attitudes de protecteur ne l'abandonnaient pas : elle ne l'avait pas entendu entrer. Appuyé contre le mur, il observait Anita s'adonner à ce passe-temps contemplatif, celui des tours du Lys. Des barrettes infinies d'informations physiques dont chacune racontait son histoire. Dans ces moments usuels de solitude elle s'en était fait des conteurs de passage : la lointaine tour de gauche, par exemple, accueillait de nouveaux occupants. L'une des innombrables fenêtres sans tain était entrouverte. A travers, un enfant rangeait ses affaires. Ses parents l'aidaient à déballer ses caisses en fer... Ils l'aidaient...

"Qu'est-ce que tu fais?" demanda-t-elle. Elle venait d'entendre bouger Enor.  Il s'approcha alors, s'assit non loin d'elle. Elle n'avait pas lâché des yeux la fenêtre.

"Je ne voulais pas te déranger."
"Tu ne me déranges pas." D'autres n'auraient pas aimé ce ton sûr qu'elle employait à un tel âge. Mais Enor savait qu'elle n'avait pas appris à parler autrement qu'ainsi.
"C'est une belle journée. Tu ne souhaites pas sortir ?"
Elle tourna ses yeux bleus vers lui, plus troublée.
"Père refuse que je sorte sans son accord."
"C'est bien vrai. Mais nous ne sommes pas forcés de le raconter."
Un éclat d'appréhension, qui se raccrocha au reflet rassurant de la vitre : dessus dansaient les lumières d'un ciel plus vaste. Silence.
"Ou nous pouvons demander la permission à ta mère ?"
Autre silence. Il resta patient. Il la connaissait, bien plus que le Mécène...
"J'ai essayé de lui parler aujourd'hui." finit-elle effectivement par dire.
Il l'encouragea d'un sourire.
"Mais elle était en colère."
Le sourire d'Enor se lénifia.
"Elle a dit : "Sors d'ici. Je ne veux pas te voir"."
Ce fut à son tour de demeurer silencieux, l'espace d'un instant. Il s'efforça à poursuivre.
"Ecoute petite, ta mère n'est pas en forme..."
" "Ta naissance a détruit ma vie", je crois que c'est ce qu'elle a rajouté"  Enor ne trouva plus les mots. Anita évoquait toujours cela avec calme et détachement, comme on raconterait les faits d'un quotidien devenu, sans autre facteur de comparaison, une norme en soi... Déjà versée ailleurs, elle se pencha vers la fenêtre. L'immeuble était trop éloigné du sien, elle tentait tout de même d'apercevoir quelle étrange boîte le garçon déposait sur son étagère.


------------

Tu oses ?
Tu oses me toucher ?!
Mais qui crois-tu être au juste, sale conne ?!


Quand Alma s'accrocha à ses épaules, les yeux d'Anita s'ouvrirent en grand. Avec une précaution purement mécanique - car elle faisait des efforts de self contrôle pour ne pas lui éclater la gueule- ses doigts se refermèrent sur les poignets d'Alma. Elle les serra, à lui en briser les os. Elle était folle de rage. Folle de rage que l'autre en vienne à lui demander des comptes !

D'un coup violent, elle la repoussa en arrière. Ses mains toujours accrochées à Alma : Anita ne l'avait pas lâchée, non, elle se levait maintenant de sa chaise, la faisait reculer le long du salon, menaçante dans cette manière folle qu'elle avait de la considérer, à présent, son regard exorbité.

"J'ai une question à te poser... Alma... tu me permets cette familiarité ? Oui... Je suis simplement curieuse. Dis-moi, c'est une question sommaire mais hautement fascinante. Comment s'organisaient vos repas de famille ?"

Elle la jugeait, de toute sa hauteur, ignorant le clignotement de sa bague qui trahissait sa lueur à travers son gant. Une fugace expression de dégout venait de tordre ses traits.

"L'appelais-tu pour venir diner ? Où passaient tous ces aliments qu'elle ingérait ? Cette eau qu'elle buvait, raconte-moi, je veux savoir..." Un sourire mauvais, chargé de rancoeur, étira son visage mortuaire " Et cela fait combien de temps ? Combien de temps qu'elle n'a plus grandi ? J'ai écumé le gouffre, j'ai failli crever et maintenant je suis là... là à te voir, à t'écouter toi et tes angoisses, sais-tu seulement ce que cela fait... d'être prise pour une idiote à ce point ? Crois-tu que je n'ai rien de plus intéressant à déployer de mes journées ? Oui Alma, tu m'as prise pour une idiote, mais le pire... c'est que je te crois assez timbrée pour avoir fermé les yeux. Aucune mère ne saurait jouer le déchirement aussi bien....à part peut-être celles qui se sont continuellement bercées d'illusions. " Elle lui tendit un regard interrogateur, la tête penchée, ses yeux froids et déments.

"A quel niveau de dénie faut-il culminer pour devenir à ce point aveugle ?  "

@Junk @Anax

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Message par Junk Mer 1 Mai - 19:04

Aveugle ? Non. Loin d’être dans le déni, en réalité plutôt consciente et lucide. Assez pour savoir qu’il valait mieux éviter de passer une annonce expliquant qu’elle était à la recherche de plusieurs milliers de crédits perdus dans la nature, sous la forme d’une androïde aussi rare que précieuse. Alors oui, elle a menti, à la fois pour échapper aux mercenaires cupides comme au mépris des antis. La police était au courant de la nature de l’androïde, et c’est pourquoi ils avaient pu la traquer avec autant de précision. Mais c’est aussi pour cette même raison qu’ils avaient rapidement abandonné les recherches. Qui serait assez fou pour aller braver le Gouffre et risquer sa propre vie pour partir en quête d’une vulgaire machine dénuée d’âme, si ce n’est par appât du gain ? Certainement personne, et l’attitude d’Anita tend à le prouver.

Si Alma avait été honnête avec elle, la jeune femme n’aurait probablement pas, à en croire ses propres dires, accepté la mission. Alors oui, et même si elle s’en sent coupable, elle lui a menti et n’en retire aucun regret. Elle était consciente qu’il y avait ce risque qu’en la retrouvant, Anita réalise que Veda n’avait rien d’une jeune fille ordinaire, et qu’il faudrait alors lui fournir des explications. Mais ça, c’est parfaitement secondaire à ses yeux. Elle s’était dit qu’elle aviserait en temps voulu s’il le faudrait. Parce que l’important, c’est que si Anita est au courant, alors cela signifie qu’elle l’a trouvée. Il pourrait bien sûr y avoir tout un autre tas de raisons qui pourrait expliquer qu’Anita ait découvert le pot-aux-roses, mais c’est la seule en laquelle Alma veut croire. La femme qui lui fait face sait où se trouve sa fille. Peut-être même la retient. Une femme en colère, et qui lui en veut.

Elle n’est pas venue ici pour lui rendre Veda. Seulement pour la tourmenter peut-être, lui faire savoir qu’elle sait où elle se trouve mais qu’elle ne le lui dira pas. Alma croit lire dans ses yeux froids la promesse glaciale d’une vengeance imminente. Peut-être prépare-t-elle quelque chose de plus brutal, projette de la tuer dans les minutes qui suivent avec toujours ce sourire inhumain aux coins des lèvres. Cette femme respire le danger, inspire l’angoisse et expire la peur. Et pourtant, les poignets toujours serrés dans les impitoyables mains gantées de la mercenaire, Alma ne se démonte pas. Parce qu’en face d’Anita se trouve une mère déterminée, animée d’une force aimante si puissante qu’elle surmonte la crainte et la peur. Ce long combat pour retrouver sa fille touche à sa fin, et Anita constitue le dernier obstacle qui la sépare de son but. Alors, peu importe ce qu’elle devra faire pour y parvenir, mais cette femme va lui dire où se trouve Veda. Elle va lui faire cracher le morceau. Par tous les moyens. Quel qu’en soit le prix. Elle luttera jusqu’à sa mort s’il le faut. Réussir ou mourir. Elle ne voit pas d’autre option. Mais combien de mères devront mourir pour cette enfant que l’on dit ne pas en être une ?

Plutôt que de tenter de dégager ses poignets, Alma déploie sa force pour saisir Anita par le col, sans pour autant se montrer violente, seulement pour ne pas demeurer en position de faiblesse et les amener sur une sorte de pied d’égalité. Je te tiens, tu me tiens. Elle approche alors son visage déterminé du sien pour plonger son regard d’une rare intensité dans les yeux morts d’Anita.


Vous voulez que je vous raconte ? Alors je vais vous raconter. Non, elle n’a jamais bu ni mangé. Et pourtant, elle a partagé chaque repas avec moi. Elle n’a pas de cœur non plus, et pourtant elle a su rire et pleurer. Elle ne connaissait rien du monde, alors je l’ai élevée et éduquée durant toutes ces années. Je l’ai vue naître, découvrir, et apprendre. Alors même si elle n’a pas pris un centimètre, je l’ai quand même vue grandir. Elle a été là pour moi, comme j’ai été là pour elle. Je suis sa mère, et elle est ma fille. Et si vous êtes incapable de le concevoir, c’est vous qui êtes dans le déni. Vous pensez qu’elle n’est qu’une vulgaire machine ? Et pourtant je pense avoir vu plus d’humanité dans ses yeux que je n’en verrai jamais dans les vôtres.

Dans ses sourires et dans ses peurs, dans ses dessins enfantins comme dans l’amour qu’elle porte à ses peluches. Il suffit de toute façon qu'Alma jette un oeil dans la rue pour qu’elle se dise que Veda fait preuve de plus d’humanité que n’importe qui.

Alors, quelle différence ? Quelle différence entre ma fille et n’importe quelle enfant ? Si vous ne l’aviez pas appris, vous-même n’en auriez jamais eu la moindre idée, pas vrai ? Vous y avez cru. Alors, est-ce que vous êtes aveugle, vous aussi ? Ou bien est-ce plus qu’une illusion ? Vous l’avez dit vous-même : personne ne pourrait jouer la comédie aussi bien. Parce que c’est bien plus réel que vous ne voulez l’admettre. Je suis sa mère. Et maintenant, vous allez me dire :
OU. EST. MA. FILLE ?
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Message par Anita Dim 5 Mai - 13:09

S'était-elle attendue à ce que la femme réplique de la sorte ?
Absolument pas.
Contre toute attente, à mesure qu'elle écoutait cette femme lui raconter son amour pour un tas de ferrailles, le sourire d'Anita mourut lentement. Un air troublé agita son visage devenu disgracieux par les tics d'une soudaine nervosité... Quelque chose, au fond de la fille du Lys, venait de surgir, sans prévenir. Profondément bousculée tant elle était elle-même surprise par cette émotion latente, c'est tout son visage pâle, si hautement détestable pour Ô combien de personnes, qui se décomposa alors sous la tirade de l'autre... Plus que de la sidération, ce fut de la peur. Une peur non pas dirigée envers cette femme, mais au contact d'un constat qui l'avait percutée aussi violemment qu'un uppercut dans l'estomac, douloureux, injustifiable, sans prévenir, porté par l'élan limbique de cette écervelée shootée aux illusions.

Cette femme, elle portait plus de compassion, plus d'amour pour une vulgaire machine conçue pour se faire aimer, que sa propre mère n'en avait jamais eu pour elle.

Ses yeux bleus écarquillés, un souffle presque douloureux s'échappa de ses lèvres. Anita offrait un tableau différent, attrapée mais aussi inerte qu'un pantin qui accepte d'être maltraité, et pourtant : résolument immobile. Sa bague continuait à clignoter. Elle sentait son appel contre son majeur, comme un léger grésillement, tout juste...
Il y eut alors ce moment. Un infime moment où, tenue de la sorte par le col de sa gabardine, récriée par cette femme, Anita la considéra avec calme. Elle l'observait à présent, troublée et intéressée à la fois : exactement comme on serait intéressé à tuer quelqu'un. Non pas par colère, ni même par crainte ou envie. Mais juste car elle représentait l'image parfaite de sa mère, à bien des égards, sa mère.. Tant et si amoureuse de Terra2, des hologrammes et des orgues d'humeur. Que le programme soit injecté dans une machine aux allures de petite fille, ou sous des valeurs de rêves édulcorés, qu'est-ce que ça changeait ?
Dans les yeux d'Anita, on pouvait presque lire cette latence, ce choix qu'elle soupesait, et avec quel intérêt absent elle le faisait, si tant est que l'autre ne décide pas de mourir loin de sa main... Après tout sa mère, sans son orgue d'humeur, sans ses programmes qui lui louaient son utilité, celle qu'on voulut entendre et croire, sans plus d'espoir d'être aimé par une conception parfaite, n'aurait-elle pas souhaité mourir, elle aussi ?

"Votre fille est morte." dit-elle, sans effusion, d'un ton plus neutre, sans que l'on sache exactement à qui elle s'adressait vraiment... Alors elle se dégagea de la femme. D'une manière plus lointaine et la démarche un peu bancale, comme blessée par une attaque qui avait du mal à se résorber, sa haute silhouette androgyne s'approcha d'une peluche qui trônait là : ses yeux délavés glissèrent dessus. Sa main gantée l'attrapa, pour la retourner sous toutes ses coutures.

"Vous imaginez ce qu'il adviendrait... si au lieu d'une enfant, on modelait une peluche Andröid ?" Elle lui lança un regard interrogateur, avant d'en revenir à l'ourson "Ou un grille-pain, ou une voiture... une voiture, pour sûr, je serais fort intéressée de l'expérience...Si cette voiture vous appelait "maman" cela vous ferait-il aussi plaisir ? ( doucement, elle pencha sa tête sur le côté, l'air faussement tracassée) Non, non... J'imagine que non... Il faut prendre toutes ces pièces (et elle mima la chose de sa main droite, les sourcils à peine froncés) pour lui offrir la forme, celle d'une petite enfant, jolie, adorable et parfaite, qui sera codée pour plaire, pour dire maman, qui saura s'asseoir à table et entretenir ce droit d'apprendre sans rechigner, et qui n'éprouvera aucun sentiment de contrariété ou caractère non désiré,  afin que son humaine de mère ressente cette grannnde satisfaction d'être une bonne mère, celle qui l'aurait élevée, avec tant d'efforts et de sacrifices... Non, une voiture, ça n'irait pas... un grille-pain encore moins - elle grimaça alors, et, d'un mouvement plus désintéressé, balança la peluche là où elle l'avait trouvée : celle-ci, rendue bancale, tomba juste après au sol. Plus las, elle activa sa bague. Là où elle crut entendre un message de Belphor, c'était Dominic. Sa voix profonde lui parvint au creux de l'oreille. Anita l'écouta sans rien dire... le regard ailleurs, comme distraite. Finalement elle contacta Belphor, et lui demanda d'emmener "la machine".

Cinq minutes plus tard, et le panda, avec sa délicatesse légendaire, passa mal la porte. Il laissa des traces de boue métallique sur le parterre rendue propre, son poitrail encore poisseux de sang par dessous son bandage bleue. Il reposa l'Android avec précaution sur la canapé, elle semblait dormir.

"N'ayez crainte, elle ne fut pas malheureuse. La vérité, c'est qu'elle vous a remplacé sans mal. Elle s'était déjà trouvé une autre maman qu'elle a profondément aimée. C'est comme si vous n'aviez jamais existé. Ils ont trituré son disque dur ou que sais-je, sans savoir comment faire. Toutes ces lignes de codes et de programmes.... c'est à manier avec précaution, elle a fini par griller, j'imagine."

Elle se passa le droit de lui expliquer le final sanglant, et toutes les retombées de sa déconnexion. Rangeant ses mains dans son dos, sans même se préoccuper ou non du traumatisme de l'autre, elle se pencha en avant, pour mieux murmurer avec sérieux, comme on léguerait une confidence.

"Avec un peu de chance, vous trouverez un inventeur de génie qui saura rebooter son programme ? Alors elle pourra vous appeler maman de nouveau, et vous aimer, encore une fois, très sincèrement."

Un sourire, dénué de toute joie, bref. Avant de se redresser, déjà prête à partir.

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