[MISSION] Appartement 313

rappel des missions : https://terra2.forumactif.com/t20-les-missions-explications

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Mission calme :


15 mars 8204, début d'après midi :

Le soleil a dépassé le Zénith. Des hirondelles crient et jouent à se courser, de même que quelques enfants dans la cour - la majorité étudie derrière ses fenêtres.
L'appartement 314 a été vidé de sa dernière locataire :  expropriée faute de paiement. L'appartement 312 appartient à un bonhomme que l'on soupçonne pontifiant : de ses rares passages introvertis il ne salue personne et traine avec lui des machines  : il vient une dizaine de fois dans l'année, et pas plus tard qu'hier il s'en allait déjà.
Entre les deux, rien. Plutôt, un renfoncement de trois mètres :  des groupes d'adolescents hyperconnectés ont pris l'habitude de fumer en cachette, casque de terra2 sur le tête ou tenu en main. Ils n'ont jamais trop fait cas de la fissure dans le mur. Cette fissure a toujours été là, d'aussi loin qu'ils s'en souviennent... ou peut-être pas, peu importe.
Aujourd'hui, alors que le coin est désert, la fissure semble briller d'un bleu électrique.
Y aurait-il quelque chose là dessous ?
Quel intérêt de le savoir ?
Dans un lieu aussi chouette que le Nid de Coucou, irait-on, vraiment, jusqu'à endommager un mur pour si peu ?

tu es à 100% libre de savoir comment traiter cette anomalie dans le mur

@Roxi

rappel:

"- Cherche à connaître, jusqu'à plus soif. Je ne crois pas en ce périmètre, il n'est qu'une limite de notre société... notre dôme est une barrière suffisante..."

En boucle, comme un mantra. Pas besoin d’avoir enregistré cet élément de réflexion prononcé par Anita au Lys sur un quelconque appareil : j’avais su en mémoriser le rythme, la prosodie, au point où je voulus presque en faire un morceau. Mais l’élégante réalité, c’est qu’en remuant un peu le regard et en bougeant ses oreilles, que ce soit dans le smog de la ville ou au creux des couvertures, absolument n’importe quoi peut devenir un morceau. A commencer par les motifs dessinés par les contours de sa propre chambre… enfin, je commençais à en avoir fait le tour.

En errant de bâtiment en bâtiment dans le Nid de Coucou, sans autre destination que celle de la poésie de l’ordinaire, je ventilais abondamment le tas de nouilles qui me faisait office de cerveau. Forcément, dans les couloirs silencieux du quartier, le flot de stimulations n’avait pas grand-chose à voir avec celui de ma première escapade dans les rues de la Caste, mais il fallait commencer petit. Aussi, je commençais à avoir mes petites habitudes en termes de parcours.

Mais pour bousculer une habitude, il pouvait suffire de peu. Par exemple, d’une lueur bleutée émanant d’une craquelure, au fond d’une espèce d'alcôve qui, à bien y réfléchir, n’avait pas grand-chose à faire là à la base. Il manquait un numéro : là, c’était censé être l’appartement 313, pas un trou bizarre.

Alors, puisque cette fois-ci il n’y avait personne pour occuper cet espace, je fis un pas très lent vers l'encastrement, avec la prudence d’une convalescente.

Les murs puaient la clope. Pendant un instant, je me laissai hypnotiser par la fissure, brillant d’un bleu semblant sortir de nulle part.
Et bien assez tôt se posa la question évidente, celle pour laquelle ma tête en quête d’inspiration était paramétrée : cette anomalie dans le mur avait-elle une empreinte audio, un son ? Et le cas échéant, était-ce un son connu ?

Faute de pouvoir l’entendre précisément, je m’approchai un peu plus en activant le micro de mon téléphone, et l’orientai vers le trou dans la paroi. Le capteur de mon appareil était plus sophistiqué que mon tympan. Il me suffisait d’appuyer sur un bouton pour verser l’enregistrement en ligne et voir si ça évoquait quelque chose à la mémoire numérique du monde. Cherche à connaître, jusqu’à plus soif.
Au mieux, Terra² me répondrait précisément sur la nature du phénomène que j’étais en train d’observer.
Au pire… j’aurais peut-être un sample qui me servait de base pour une nouvelle compo.

Résumé:

Rien n'est émis. Rien ne se passe. La lumière bleue continue de briller comme un battement en slow motion.
C'est à s'en taper la tête contre le mur..

faut bêcher ailleurs, sorry !

@Roxi

Votre recherche n’a rien donné. Dommage !
Profitez jusqu’à fin mars d’une offre spéciale d’abonnement Familial+ à Terra² pour améliorer vos résultats et ceux de vos proches !

- Déjà abonnée, tocard, répondis-je à mon appareil, en espérant de toutes mes forces être entendue par un chargé de surveillance de BIO CORP à l'autre bout des capteurs.

Ça aurait été trop beau. Ni info, ni sample. Ça commençait à m’agacer, au point de vouloir me confronter à la chose.
Mes pas m’emmenèrent au plus près de la paroi, pour mieux voir cette lueur me narguer avec ses ziom ziom lumineux, dans le silence le plus total.
Ziom, Ziom.
Ziom, Ziom.
Pas de bruit ? Très bien. J’allais m’en charger.

Il n’y avait pas trente-six manières de savoir à quel point ce mur était creux.

Ziom, Ziom.
*BONK, BONK* à gauche.
Ziom, Ziom.
*BONK, BONK* à droite.
Ziom, Ziom.
*BONK, BONK* près du trou.
Ziom, Ziom.
*BONK, BONK* près du sol.

Bien sonore, pour être certaine de ne pas passer inaperçue. Et en rythme avec la pulsation bleue, s’il vous plaît.

C’était sûrement un coup à sortir les voisins de leur sommeil. Tant mieux! Dommage qu’ils soient absents, voire inexistants pour le cas du 314. De l’autre côté, il y avait bien le gars avec ses machines sous le bras, croisé lors la promenade de la veille, mais il avait l’air en partance…
Je croisais les doigts pour qu’il soit finalement rentré, et que mes enfantillages le dérangent. Que quelqu’un d’autre s’occupe de cette chose, j'avais d'autres partitions virtuelles à fouetter ! J’étais prête à solliciter tout le couloir, mais j’avais la désagréable sensation qu’il était bien plus vide que d’habitude. En surface, du reste.

HRP:

Bingo
C'est à cela qu'on reconnaît les battants.

Ce mur est friable : il s'effrite après quelques coups. La fissure devient un trou, le trou une cavité de la taille d'un tableau : le placo tombe à tes pieds, et s'étale par terre.

Derrière le mur, c'était un écran d'un bleu ultra lumineux.
Soudain, un hologramme azur tremblote comme un rideau à ta droite et recouvre la sortie de l'excavation. Trois secondes plus tard, voilà qu'une femme passe dans le couloir, casque de Terra2 autour du cou : mais elle ne te remarque pas. Il faudrait fuir d'ici et traverser le mur factice pour comprendre que, de l'autre côté, l'hologramme simule un pan de mur en ciment. Elle pourrait remarquer qu'à la place de ce pan lisse il y avait presque toujours eu un renfoncement, mais avec autant d'immeubles, et autant d'autres distractions virtuelles...
A n'y rien comprendre.
Déjà l'écran clignote, noir, bleu, noir bleu, puis se stabilise sous une petite musique, rétro



scanner ta puce au dessus de l'écran ?
c'est bel et bien écrit.

Derniere chance pour toi de te raviser, l'amie
ou d'accepter . . .
. . .

@Roxi

Traquenard. Etait-ce destiné seulement aux passants suffisamment énervés pour éclater du plâtre ? Une sélection comme une autre, mais ça me mettait dans l’inconfort pour la suite des évènements. Qu’attendait-on de moi, exactement, au point de vouloir me couper du reste du Nid avec une barrière holographique ?
Trop, c’était trop. Scanner ma puce dans un coin sombre caché à l’arrache par du placo ? Et puis quoi encore, le code de mon étage, le compte en banque de mon père ? Le zouave qui servait de syndic au bâtiment B allait entendre parler de moi.

Au moment de traverser le mur dans l’optique de révéler cette fourberie au grand jour, une sonorité me retint dans l’alcôve. Le genre de bruit beaucoup trop associé à l’appel de la dopamine dans les douces contrées vidéoludiques de mon adolescence pour me laisser indifférente.

Difficile de me faire entendre raison à ce stade.
Peu importe la nature du programme à l’œuvre, quelqu’un qui avait paramétré des chiptunes en fond de la page d’accueil ne pouvait pas être foncièrement mauvais. Mais comme à chaque fois que je me sentais désarmée face à une technologie qui savait me prendre par les sentiments pour me faire coopérer – ce qui arrivait bien trop souvent au goût de mes proches – je ne pus m’empêcher de parler à l’écran :

- Sale gosse.

Mon cerveau avait dû se glisser dans mon poignet, celui-ci flottait tout seul vers l’écran. A moins que ce ne fût ma puce qui s’était réveillée en entendant parler d'elle, et qui canalisait mes mouvements grâce à la sainte force des musiques 8-bit. Impossible ? Ça ne m’aurait surprise qu’à moitié.

Sitôt ta puce scannée que le texte se retire dans une transition surannée qui aurait fait pâlir d'horreur les amoureux de la motion sur Terra2.
Alors une phrase s'écrit : l'écran te remercie d'être restée. Est-ce que d'autres étaient partis avant toi . Ou es-tu la seule a avoir jamais été en contact avec ça ?







@Roxi

Ho. Le pauvre ?
A la lecture du mot « banque » un sursaut d’anxiété s’était emparé de moi. En même temps à quoi tu t’attendais, ma grande ? Scanner ta puce c’est toujours s’exposer à l’éventualité d’un racket en règle. C’est pas parce que ça se passe entre les murs de ta résidence, ou qu’on te montre une animation d’oiseau pixellisé, que ça change quoi que ce soit…

- Euh… Bonjour Xersan? murmurai-je plus pour extérioriser qu’autre chose, tout en ouvrant mon application budgétaire pour me connecter illico. Je vais bien, mais là tout de suite j’espère que mon compte en banque passe une journée moins absurde que moi.

J’essayais de me rassurer. Mais que ce soit en m'enveloppant virtuellement entre les murs ou en m'appâtant dans une esthétique musicalement colorée, si l’objectif de ce banquier triste était de trouver quelqu’un d’assez naïf pour passer le temps avec lui, il avait malheureusement réussi son coup. N’importe quel autre résident aurait été plus difficile à convaincre, de ce point de vue je n’étais pas le coucou le plus affûté du Nid.

En parlant de coucou, mon attention se fit naturellement aspirer par le quizz qui n’avait jamais arrêté de clignoter…  Allons, un peu de culture gé n’a jamais désintégré personne.
Qu’est-ce qui se passait si un oiseau essayait de traverser un dôme de plasma ? J’avais beau m’éparpiller régulièrement dans des documentaires sur Terra², je ne m’étais jamais posée la question. C’était quoi un plasma déjà ? Ce mot ne m’évoquait que la lampe à éclair mauve que Rona allumait parfois à la recyclerie, mais je n’avais aucune notion de la définition réelle. Est-ce que c’était chaud ? Froid ? Electriquement chargé ? Mortellement radioactif ?

Au moment de vérifier tout ça d’une simple recherche sur la sphère virtuelle, j’arrêtai finalement mon geste. Où est le fun si on va voir directement à la source ?

On va faire ça par élimination.
En supposant qu’on puisse se cogner contre la barrière du dôme, est-ce que ça ne voudrait pas dire qu’il tomberait occasionnellement des oiseaux morts du ciel ?
Et même s’ils pouvaient la traverser, sans la protection du dôme leur petit corps ne serait-il pas instantanément rôti par le glorieux soleil du neuvième millénaire?
Dans les deux cas, une réalité un peu rassurante se reflétait dans mes réflexions:

- Tu as oublié la réponse D, l’ami. Aucun oiseau n’est assez stupide pour tenter de le traverser.

Faute de mieux, j’en revenais à ma première image mentale, en essayant de me représenter la couleur que prendraient les plumes d’un pauvre piaf coincé dans la coque d’une lampe à éclairs mauves. Ça ne m’inspirait rien de très réjouissant pour son sort.

HRP:

Ton compte en banque est intact.
L'écran clignote, puis la musique se tarit, avant de se taire : la musique d'intro est passée, elle n'a pas été programmée pour se relancer en boucle. Alors tu retrouves : l'écho des enfants dans la cour, et celui des hirondelles.



Soudain un clavier se dessine sur l'écran après un énième défilement (touches blanches et lettres bleues). Aucune commande vocale, aucune technologie pratique et avancée comme on a tant l'habitude d'en user, rien que ce clavier virtuel : sur lequel il faudra taper pour lui écrire ta réponse.

@Roxi

Subitement, l'écran s'éteint. Plus de clavier, plus de musique, plus rien.
Le rideau en hologramme, à ta droite, continue de flotter allégrement. Soudain, l'écran mort tombe de lui-même, détaché par un mécanisme étrange : il s'en va rejoindre le placo au sol.
Derrière, il y a une poignée, la poignée d'une porte.
C'est la dernière étape, peut-être la plus dangereuse : celle qui invoque de s'ouvrir sur l'inconnu.

l'ouvrir ou se raviser ?

@Roxi

Au moment où je commençais à me demander si je devais lui présenter mes condoléances pour lui-même, l’écran essaya de m’assassiner. Ou de se reconvertir en paillasson, difficile à dire.

La surprise m’avait arraché un cri. Bien entendu, personne dans le couloir pour me capter, la bulle d’intimité holographique demeurait intacte. J’avais donc tout le loisir de pouvoir prolonger l’expérience, et actionner la poignée qui s’était révélée, sans risquer de me faire juger par qui que ce soit. La Roxi qui voulait courir se plaindre au syndic n’avait pas fait long feu.

Pour autant, avais-je réellement envie d’être épatée davantage ? Le gars – du moins ce qu’il en restait – avait certes fait l’apologie de l’honnêteté, mais c’était juste avant d’avouer que ce n’était pas non plus son domaine de spé. Quelque part, il n’avait pas besoin de le préciser : dans ses premiers messages, il avait essayé de me faire croire, en écrivant au présent, qu’il était encore de ce monde, et qu’il se rendait toujours à la banque tous les matins. Quel dingo avait bien pu programmer tout ça, et surtout combien de décennies, de siècles en arrière ? En supposant que je ne craignais rien, quelle quantité de surprises poussiéreuses me réservait-on encore ?

De l’autre côté de l’axe des possibles, il y avait sortir de l’alcôve et reprendre ma promenade.

Je n’avais rien contre le doux murmure des enfants et des oiseaux dans la cour, mais le choix était vite fait. Gloire à la sainte dopamine.

J’entrai sans frapper.

La porte s'ouvre, et se coince à moitié. Il te faudra passer entre l'ouverture : en cause, un balai mal rangé.
Le long du mur du couloir, des longs écrans : dessus défilent des textes plus élaborés, avec accents, qui te suivront à mesure que tu avanceras.



5 septembre 7912 : aujourd'hui je suis rentré sans plus vouloir  sortir. Les gens du dehors me paraissent si décalés. J'aimerais qu'ils me voient comme je suis mais je n'aime pas l'idée de le montrer. Demain, ça ira mieux... sûrement.

20 septembre 7912 : les jours me sont les mêmes, si fades. Je devrais quitter mon job, et faire quelque chose qui me plaît. J'aimerais programmer des logiciels. Mais je ne suis pas assez doué, et l'IA m'a dépassé. Demain, ça ira mieux... sans doute

08 octobre 7914 : J'ai enfin souscrit à un abonnement de Terra2. C'est une sensation étrange, je crois que je suis vraiment heureux, aujourd'hui. Demain, demain est un autre jour, vivons l'instant présent...

12 novembre 7914 : ce jeu est extra ! J'ai ressenti le goût des fraises et la pluie sur mon visage : marrant, dehors je déteste être trempé. Est-ce qu'il m'aura fallu un jeu virtuel pour aimer la pluie ? Peut-être parce que dans le jeu, je n'avais pas froid...

(c)Yun Ling


Les lignes disparaissent. La pièce où tu tombes ressemble à un cagibi. Des meubles en simili bois. Une table, deux tabourets métalliques rangés en dessous, une corbeille remplie de plastiques, sortes d'origamis, des tiroirs qui reflètent les surfaces et des notes en fibres reyclées, incongrues. A gauche, une échelle : elle mène à une mezzanine de métal fait, avec un lit et une fenêtre donnant vue sur une des cours où peuvent jouer les enfants. Si tu montes tu y trouveras aussi une petite salle d'eau derrière une porte en métal, bien dissimulée à droite du lit.



Il y a un écran, au dessus du tiroir. Il s'allume, montre des photos du nid de coucou à une époque plus révolue, mais qui n'a pas tant changé. Au final, l'écran devient noir, et les lignes reprennent.



- salut, mon nom est Xersan, comment vas-tu ? Passes-tu une belle journée ? Moi je travaille dans la banque, j'aimerais te dire que j'apprecie mon metier mais...
- mec lance le jeu, osef
- ah, oui bien sûr. tu prends quel champion ?
- j'en sais rien
- ok

. . .

. . .

Salut roxi.
Ne fais pas trop attention au fouillis, je suis parti précipitamment. Si tu es là, ça voudra dire que je suis mort et que je t'aurais fait confiance. Comme je te disais :) je travaillais dans une banque, et je n'étais pas heureux de ma vie. Cet appartement est le plus petit de tous, il a normalement été conçu pour y loger les concierges et gardiens. Puis les androïds les ont remplacés. J'ai pu le louer pour une plus petite somme que les autres, ensuite j'ai gagné plus d'argent, mais je n'ai pas voulu le quitter pour autant, alors je l'ai acheté.
A la fin, je me suis décidé à faire ce saut en avant. Celui de quitter mon nid.
Je me suis promis que le jour où je mourrai, je léguerai ce chez moi à celui qui saurait regarder un peu autour de lui, et prêter une oreille attentive à quelqu'un d'autre que soi.
Alors voilà. . . Roxi, je ne te connais pas, mais cet appartement 313 est à toi.




Il est vétuste, l'humidité a dû bien l'amocher. Il lui faudra un bon ravalement de façade. J'ai programmé à l'aide d'une IA qui avait aussi stocké des parties de mon journal intime. Les phrases ressortent entre le reste... tu as sûrement compris que j'étais un piète programmeur, mais j'espère que tu ne m'en voudras pas :)



Ma seconde passion, c'est la sculpture. Il y en a en métal, un peu partout, je ne sais plus où exactement.
Tu es libre d'en faire ce que tu voudras.
Passe ta puce sur la sculpture que j'ai faite à l'entrée, et l'hologramme à la sortie te laissera entrer à chaque fois : tu pourras croire que des gens remarqueront l'hologramme qui simule un mur, quand je l'ai installé pour la première fois il a survécu quatre ans : un conseil, place un panneau solide derrière, de sorte que si quelqu'un s'y adosse il n'y voit que du feu.
Pour la suite, je ne sais pas comment tu voudras t'organiser. Après tout ça t'appartient, à présent.
Mon programme n'est pas conçu pour durer longtemps, une fois que tu passeras ta puce sur la sculpture je : plutôt les dialogues que j'ai écrits , disparaîtront avec moi.

Tu as des  dernières questions ?
Je ne sais pas si je pourrais répondre à tout.
Une histoire de programmation :)

tu as débloqué la meilleure fin de ce scenario
tu peux poser tes questions à ce programme, (à voix haute cette fois !) jusqu'à temps qu'il durera...

@Roxi

En entrant, deux impressions. Un sentiment de sécurité, et l’intuition d’être prise dans quelque chose de fondamentalement éphémère. Mon petit cerveau pouvait gérer un seul command prompt à la fois, pas dix. J’avançai téléphone à la main, la caméra braquée sur tout ce qui bougeait, avec la ferme intention de traiter toutes ces informations plus tard, quand j’aurais un peu plus de disponibilité mentale.

C’était aussi une manière de mettre de la distance entre moi et l’avalanche de confiance aveugle et d’intimité vétuste à laquelle j’étais en train de m’exposer. Difficile de rester limpide et sereine dans cette situation : indirectement Xersan avait fini par me répondre concernant sa date de naissance. Ça remontait à plus de trois-cent ans. Aucun des humains non-augmentés que je connaissais n’avait possiblement pu le croiser sous le Dôme. Ce résidu d’appartement numériquement hanté était donc aussi un musée, un site de fouille archéologique, et une espèce d'album photo pluri-centenaire. Tout ça à la fois.

Il allait falloir m’expliquer comment j’étais censée prendre la responsabilité d’une chose pareille.

Ce n’était pas les robots du syndic que j’aurais voulu contacter à ce moment-là, mais des historiens et des scientifiques du Lys. Eux seuls auraient eu la légitimité de soulever cette poussière-là, le regard suffisamment affûté pour contempler les statuettes, le pouvoir de faire dire quelque chose à toutes ces odeurs et ces affaires abandonnées comme du linge troué. Mais non. Xersan avait choisi de confier ça à la première ahurie venue, du moment qu’elle était capable de répondre faux à un quizz de physique des particules. L’erreur de casting était épouvantable.

Pas moyen de lui dire, cependant. Son temps était compté.

Cette version artificielle de Xersan avait beau en être un pâle reflet, il m’apparaissait comme un reflet pensant et attachant. Plus tôt, je m’étais méfiée – à juste titre – des signaux contradictoires qu’il m’avait envoyés avec son interface douteux, redoutant un piège ou une sinistre fumisterie. Mais l’explication était autrement plus comique : le malheureux avait simplement codé ce simulacre de lui-même avec les pieds. Il avait fait de son mieux, sans doute en compilant tels quels les plug-ins qu’il avait dû trouver sur les bases de code source du metaverse, avec un peu de ficelle et de ruban adhésif pour faire tenir le tout. Et moi je l’avais vanné sur les accents du clavier. Quelle naze.

Bien choisir ses mots. Réfléchir... Mais pas trop longtemps quand même.

Malgré les centaines de points d’interrogation qui flottaient dans tous les sens, je compris que mon attention était entièrement tournée vers le mythe en train de germer ici. Dans l’hypothèse où quelqu’un – a fortiori moi-même – allait effectivement habiter ce lieu sous ma responsabilité, il s’agissait d’en connaître toute l’histoire. Epilogues compris.

- Xersan… Honnêteté ou pas, il va me manquer des mots, et très sincèrement je ne sais pas ce que je vais faire de cet endroit. Mais il y a une question qui me brûle les lèvres.

Mes doigts cédaient à leur tour à la curiosité, effleurant les textures des meubles et certains objets de toutes les formes, comme pour vérifier qu’ils m’acceptaient dans ces lieux eux aussi, sans me balancer un arc électrique en pleine poire.

- Quand tu as quitté le Nid, où est-ce que tu as voulu t’envoler ? Tu avais un plan ? Une route de migration arc-boutée en tête, ou consignée quelque part dans un des journaux que tu as laissés derrière toi ? Dit autrement, en supposant que je veuille remonter ta trace, tu me conseillerais de m’y prendre comment ?

La confiance mutuellement acquise, je voulais encore plus tout savoir de lui. Peut-être parce que son parcours résonnait avec mes difficultés récentes, et son saut dans le vide avec une partie très lointaine de mes aspirations. Comme un horizon nébuleux mais aux teintes très vives, une prophétie fondamentalement excitante que je n’étais pas encore certaine de vouloir m’approprier mais qui, à défaut de me servir de ligne à suivre, aurait dans tous les cas le potentiel de m’inspirer un album tout entier.

Je montai prudemment l’échelle de la mezzanine d’une main, continuant de filmer les lieux avec l’autre. Puis, comme l’objectif de mon appareil s’arrêta sur la statuette de l’entrée – celle-là même qui contenait le mécanisme avec lequel Xersan me suggérait de mettre fin à ses jours –, je laissai un soupir fébrile s’échapper avant d’ajouter :

- Et s’il te reste un peu de jus, en tant qu’artiste j’aimerais en savoir plus sur tes sculptures et leurs significations.

- Xersan… Honnêteté ou pas, il va me manquer des mots, et très sincèrement je ne sais pas ce que je vais faire de cet endroit. Mais il y a une question qui me brûle les lèvres.

.

. .

. . .

(le programme semble traiter les mots, ce n'est pas aussi intuitif que les IA d'aujourd'hui)

- Quand tu as quitté le Nid, où est-ce que tu as voulu t’envoler ? Tu avais un plan ? Une route de migration arc-boutée en tête, ou consignée quelque part dans un des journaux que tu as laissés derrière toi ? Dit autrement, en supposant que je veuille remonter ta trace, tu me conseillerais de m’y prendre comment ?

.

. .

. . .

Je ne sais pas moi-même où je me suis rendu après
je n'ai consigné sur l'IA que la fin de ma présence ici


. . .
. . tu comprends ?



Et s’il te reste un peu de jus, en tant qu’artiste j’aimerais en savoir plus sur tes sculptures et leurs significations.


08 août 7915 : C'est le plus beau lever de soleil que j'ai vu. J'avais oublié à quel point ça pouvait être beau de le voir naître entre toutes ces barrettes d'immeubles. Et dire que tous les jours il se lève et tous les jours il se couche, et que tous les jours j'aurais pu le regarder se lever et se coucher si la brume me l'avait permis. Est-ce qu'à force de s'habituer aux jolies choses elles ne deviennent plus inestimables ?

14 septembre 7915 : J'ai retrouvé une photo de ma mère, et de mon père. J'ai quitté la banque, j'ai quitté ces gens. Je suis bien chez moi, je crois, j'ai assez d'argent pour ne manquer de rien, mais j'ai le sentiment qu'il me manque de tout.

. . .
. .
.
Ces statuettes sont mes compagnons de chemin. Ce qu'on crée de ses mains finit par rebondir sur les autres. Je me dis qu'à chaque fois qu'on voit mes sculptures on m'imaginera les avoir sculptés un jour sur une des marches de l'échelle, contre la fenêtre de ma chambre ou devant la télévision. Tout le temps que j'y ai consacré ne s'est pas évaporé, il est resté dans chaque taille du métal : j'ai utilisé du laiton, je l'ai coloré en gris, je l'ai mélangé avec d'autres composants, j'y ai mis beaucoup de moi, comme toi : avec tes musiques ?

Y implanter un système de sécurité pour ouvrir une porte d'entrée, pas très sorcier . . . mais j'espère que c'est une jolie allégorie  ?

. . .
. .
.
Roxi ?
Si tu veux t'envoler de ton nid, fais-le les deux pieds sur terre. Ne t'isole pas comme je l'ai fait. Regarde autant de fois le soleil se lever pour te rappeler qu'il y a un dôme plus grand encore :  une planète qui nous protège d'un univers qu'on ne saurait imaginer, alors fais des rencontres, plein, trop, car dans le lot n'y resteront pas grand monde, quand d'autres te blesseront,
mais il y en aura des rares derniers, qui illumineront ton monde,
tu sais
comme quand tu dégrossis le métal sur des journées entières,
tu en gagnes des formes qui survivent au temps
moi, c'est surtout ça que je sculptais.
. . ca vaut le coup
. . . je crois
. . . . bien

 

L'écran de la télévision s'éteint brusquement.

Si tu le rallumes, tu n'y trouveras rien de plus que l'usuelle projection en clair de Terra2 - et des pubs (bien sûr) pour s'y abonner.

Tu viens de débloquer  + un petit appartement secret au Nid de Coucou. (appart 313, bat B)  Va falloir composer avec les anciens ado fumeurs, faire à cela preuve d'inventivités. Sa fenêtre située plein Est n'offre pas beaucoup de lumière. Mais sa vue qui donne sur la cour a un avantage : sans trop de brume, tu pourras y apercevoir le soleil se lever entre l'espace de deux immeubles.

Le mystère de Xersan restera aussi nébuleux que ces planètes éloignées de nous mais dont on sait pourtant qu'elles ont existé - que l'univers est vaste, si vaste ! En tous les cas, il semblerait que ce soit à ton tour d'offrir un nouveau monde à cet appartement : tu pourras en imaginer les détails plus poussés qui te plairont !

Fin de la mission - Tu gagnes +250 crédits (le flouz de l'immobilier, une valeur sûre !)

tu peux, bien entendu, répondre une dernière fois si tu en as envie, c'est optionnel, puis la mission sera clôturée.

@Roxi

. . .
. . tu comprends ?

- Je comprends, approuvai-je dans un rictus triste. J’étais obligée de tenter.

A mesure qu’il déballait ses souvenirs poignants, je m’appliquai à filmer la statuette de l’entrée sous tous les angles avec mon téléphone. Je m’improvisais reporter, face à un moment de poésie singulière que j’étais tenue de capter avec le plus grand soin.

Xersan v2.0 était en train de s’éteindre, pourtant j’avais devant moi la trace indélébile de son passage dans ce dôme microscopique, encapsulé dans tous les autres, qui l’avaient maintenu préservé du chaos comme je l’étais à mon tour. C’était un travail fin, anguleux, d’une complexité magnifique.

. . . mais j'espère que c'est une jolie allégorie  ?

- Pas que l’allégorie.

Il y avait quelque chose d’intensément incongru, à se faire baigner de sagesse dans un endroit aussi décrépit. J’étais déjà terrifiée à l’idée de la quantité de travaux qui m’attendait, mais plus grand-chose n'avait l'air insurmontable à travers le prisme d'espérance que ses lignes étaient en train de me suggérer.

En comprenant que l’IA avait livré ses derniers mots, je stoppai l’enregistrement. La dimension éphémère du moment s’était envolée. Seule la matière demeurait, immortelle.

Dehors, le soleil était loin de se lever à nouveau. Il allait falloir attendre qu’il fasse le tour du monde avant que je profite du spectacle promis. Il me semblait que ça prendrait des siècles.

Pendant un long moment, je restai à moitié assise contre un barreau de l’échelle, sans rien dire, sans rien toucher, immobile comme par mimétisme, peut-être par empathie pour les sculptures. Pour goûter le silence du lieu tel qu’on l’avait laissé.

Je songeai un instant à prendre un temps pour regarder les vidéos que j’avais capturées en entrant, une par une. Mais au moment de le faire, une idée me vint.
Puisque j’avais presque tous les textes gravés dans une carte mémoire, il aurait été dommage de ne pas en faire quelque chose.

Pour l'heure, le moment était venu de tester le mécanisme de sécurité. L’hésitation m’avait abandonné : je posai une main précise sur la statuette.

- Il n’y a pas que tes formes de métal qui survivront au temps.

Pas eu l’occasion de le lui dire avant qu'il s'évapore, mais sculpture ou pas, je n’avais aucune intention de le laisser se faire oublier.

Une détonation se fit entendre au niveau de la porte d'entrée. Dans le même temps, ce qu’il restait des notes du banquier dans les disques durs de l'installation devait être en train de se faire écraser.

Je n’avais plus qu’à me retrousser les manches.




29 mars 2024, aux aurores

Le rangement du bazar n’avait guère avancé, pas plus que le travail des tapisseries ou le traitement des moisissures. La fenêtre était tout juste dépoussiérée. Jusqu’ici, en échouant soigneusement à ne pas m’isoler dans cette aventure, j’avais suivi l’opposé des conseils de Xersan. Mais c’était pour la bonne cause.

Près de la statuette, j’avais déposé un petit haut-parleur connecté, chargé avec un exécutable sur lequel j’avais passé un certain nombre de nuits.

Dehors, les nuages s’empourpraient timidement.
Les mains dans les poches de mon caban, je me laissai absorber par les lueurs du ciel. Puis je levai la voix, sans vraiment y croire :

- T’es là ?

Rien.

- T’es là ou t’es pas là ?

- Je suis là. Comment vas-tu ? Passes-tu une belle journée ?

Emotion. Première fois qu’il me répondait avec sa propre voix – du reste, celle que je lui avais configurée.
Entre les buildings, un rayon du soleil traversa le plasma du dôme pour me lécher le visage, et y tracer un sourire clair.

- Jusqu’ici ça démarre pas mal. Et toi ?

- Oh, tu sais, moi je travaille dans la banque. J’aimerais te dire que j’apprécie mon métier mais…

Plus rien.

- Mais quoi ?

- . . .

- T’es toujours là ?

- Salut, mon nom est Xersan, comment vas-tu ? Passes-tu une belle journée ?

Bon. Il y avait encore un peu de boulot.

HRP: