——Anita

[...]

Mais, à mesure que l'âge vient, le train des jours se précipite et chacun d'eux, de leurre en leurre, nous emporte dans un songe agité d'où l'on se réveille, un matin, lucide enfin mais septuagénaire. (genevoix)

fourberie / sociopathie / observation / ambition / idéologies
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Elle avait gardé de leurs rencontres un souvenir un peu coupable, un peu idéalisé. Petite, elle se demandait si ca ressemblait à ça : d'avoir une petite soeur. Trois visites d'amitié ce n'est tellement rien, sauf pour une enfant qui a toujours vécu seule enfermée dans sa tour. Roxi est sans conteste la personne qui lui est la plus précieuse dans ce monde en perdition.  




Un homme pour qui elle éprouvait autant d'attirance que de respect, avant qu'il ne décide de fuir le lys et détruise tout l'espoir et l'estime qu'Anita nourissait pour lui. Plus de quatre ans qu'ils ne se sont pas revus : Anita aspire à ce que cela reste ainsi.




Un enquêteur dont Anita se méfie, autant qu'on se méfie d'un esprit aux penchants destructeurs prêt à basculer à tout moment. N'appréciant pas sa vision du monde et son irrespect pour le Lys, elle garde malgré tout contact avec lui dans l'espoir de faire tomber la société de son père.




Croisé dans le Gouffre, il s'avère être le fils caché de l'ancien associé de son père. Anita nourrit une profonde réserve pour cet inventeur assez attaché à l'identité du Gouffre pour ne jamais chercher à en voir disparaître ses structures qu'Anita juge pourtant détestables.




Après s'être battues pour une histoire de contrat, Anita a failli mourir : elle a laissé l'autre pour morte dans le fossé. Elle la voit comme une majorité de la fange d'en bas : une vermine à éliminer.

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PNJ signifiants

Jarod, dit "Le Mécène" - Père d'Anita. Mort

homme d'affaires du Lys, et Sage de la Cité. Il gérait le transit de marchandises entre les plateformes et la Cité ( via des intermédiaires, n'a jamais été en contact avec un membre de l'Elite) Très reconnu au sein des affaires (pas forcément en dehors) - Anita n'a ni son envergure, et encore moins ses contacts qui sont allés voir du côté d'autres partenaires de confiance dès que le Mécène est mort.

(c)Betty Jiang

Altéa - Mère d'Anita. - habite dans l'immeuble familial, au Lys

addict des orgues d'humeur* qui ont bousillé son esprit, du Metaverse, des chirurgies esthétiques et des soirées mondaines, Altéa fut mariée au Mécène très jeune : issue d'une bonne famille, leur alliance offrait un avantage considérable sur le marché du Lys. Elle rêvait du prince charmant, elle déchanta vite. Elle n'eut que peu de contact avec sa fille - l'éducation d'Anita fut exclusivement gérée par le Mécène après qu'il avisa des crises de sa femme. Les rapports avec sa fille sont particuliers, presque contractuels, si son humeur le lui permet elle lui restera soumise. Habitée par de fréquents épisodes dépressifs, hors sol depuis de trop longues années, la seule chose qui l'importe à présent, c'est qu'Anita lui rende la notoriété qu'elle a perdue après la mort du Mécène.  

(c) John Larriva

*orgue d'humeurs

Belphor - Garde du corps.

L'ombre d'Anita. Elle n'accorde aucune considération pour les théris, ça ne changera pas avec lui : le plus insolite, c'est que Belphor le sait. Mais Anita l'a sorti de son enfer. Lors d'un spectacle de la Brèche où il fut trainé sur scène, muselière à la gueule, pour faire rire les crapules, Anita sera restée la seule à ne rien exprimer : ni dégout, ni pitié, ni hilarité. Elle l'aura "racheté" de la main de son maître pour ensuite lui annoncer qu'il était "libre". Mais Belphor, il n'avait nulle part où se rendre, alors il signa de sa vie le rôle d'homme de main d'Anita. Il lui voue une fidélité sans faille. Pétri de profonds relents psychopathiques, ses petits yeux noirs sont comme vides et flippants. Belphor ne ressent plus beaucoup la douleur physique (dégâts neurologiques), il adore le théâtre holographique et les sandwichs.




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RP terminés :

(FLASHBACK) 11 avril 8184 - le Lys Faux Semblants

Anita a 5 ans, et personne n'est en mesure de la garder. Son père Jarod, Le Mécène, est donc obligé de l'emmener dans ce Gala organisé par le père de @Jason, une personnalité qu'il n'a jamais appréciée... Laissée sous la garde du petit Jason de 9 ans, celui-ci va tenter de la protéger des petites frappes de gamins richous. Lorsque le Mécène sera mis au fait de la situation, il quittera l'endroit avec sa fille. Cet épisode va confirmer à Jarod qu'il doit veiller sur Anita bien mieux : la tenir le plus possible loin des habitants toxiques de ce dôme, tout en l'endurcissant pour lui éviter de souffrir...

(FLASHBACK) année 8198 - le Lys As we were dancing in the blue

Entrainement au sabre pour @Altaïr et Anita. Leurs humeurs respectives s'en mêlent, Altaïr souffre terriblement de sa confrontation avec son père. Il ne supporte plus l'idée qu'Anita aspire à suivre cette même voie funeste de protecteur. Il espère lui faire changer d'avis à travers cette session et fait preuve d'un talent hors pair lors du combat. Altaïr gagne le combat, mais ils finissent par se blesser mutuellement, le comportement destructeur d'Anita n'y étant pas pour rien...

(FLASHBACK) date à définir - la brèche bonk

c'était une jolie soirée dans un coin faisandé de la brèche où @Roy a donné rendez-vous à Anita parce qu'il adore le flouz, même que cette dernière elle en menait pas large parce que ça sentait le pauvre et c'est pas une odeur qu'elle saurait supporter bien longtemps. Ils ont compté fleurette, parlé d'oiseaux, de cages et d'anges... somme toute un discours nébuleux.

6 Janvier 8204 après minuit - le fossé ci git le prodigue airancy

Un mafieux apprend tout juste c'est quoi d'être riche, il demande à Anita, qui sait plus longtemps c'est quoi d'être riche, d'éliminer un pion qui l'aurait trahi : il lui donne un boîtier pour le traquer et lui promet en échange de la capture des infos sur son papa. Alors Anita, touchée par la corde sensible des p'tites colères, s'en va le dénicher. Dans le fossé, elle tombe sur @Akira qu'est envoyée par la concurrence : Anita se fait poutrer à coups de clé 33/12, et pas fort ravie perd les pédales. Le boitier fait bipbip alors que le pion il est loin loin devant, pas normal, elle comprend un peu tard qu'on l'a plumée, balance le boitier : v'la pas que c'était une bombe, saleté ! boum ! Ca lui aura sauvé la vie en même temps que ça l'aura presque tuée. Vive les providences qui n'en sont que dans sa tête..

6 janvier 8204 au matin le train des jours

grièvement blessée, Anita songe qu'aller à l'hôpital serait l'ultime mauvaise idée de la soirée. Plus morte que vivante, se trainant jusqu'au Lys, elle signe son option de survie auprès de Roy. Celui-ci lui sauvera la vie, et sitôt son réveil accompli, Anita songe déjà à perpétrer son attaque contre ce mafieux qui l'aura piégée...

12 janvier 8204 - nid de coucou - Gingembre lyophilisé

Anita retrouve une ancienne amie d'enfance, @Roxi. Cette rencontre initie des émotions qu'elle n'a pas pour habitude d'éprouver : l'attachement, le tracas, un sentiment illégitime d''amitié... pour sûr, ça lui fout un de ces boxons.

20 janvier   - le Lys Dix huit parvenus

La sensibilité artistique de @Roxi, c'est quelque chose hein. Comme la grande soeur qu'elle n'est pas, Anita veut lui faire plaisir, alors elle demande à sa mère tournée vers l'Ouest de lui rentre un p'tit service pour des places VIP d'un concert tout aussi VIP. Le père de Roxi est de la partie, et pas super ravi qu'une sociopathe recouvre les p'tites épaules de Roxi pour l'éviter de prendre froid - bien trop de courants d'air sous ce fichu dôme.

2 février - Zone Commerciale Jour de repos

Ayant pris rendez-vous avec un quidam qui va allégrement se pointer en retard, Anita sera prise dans une fusillade qui éclatera au sein du bar. Deux flics, du nom de Marvin et de @Jason dit "Rock" font tout faire pour essayer de sauver tout ce beau petit monde, et Anita, elle va devoir passer un temps fou à shampoigner ses cheveux une fois tout ce merdier conclu... (une journée usuelle de plus sous ce dôme)

4,5,6 février  - Caste - Brèche puise Gouffre [ MISSION ] Une âme s'est envolée (sombre)

Anita rend service à Dominic, business du Lys qui peut bien renflouer ses affaires. Elle doit retrouver une enfant kidnappée, ira de la Caste à la Brèche, puis de la Brèche vers l'endroit qui la répugne le plus : le Gouffre. Là, elle tombera sur un jeune garçon (@Anax) qui s'avérera être, contre toute attente, le fils caché d'un ancien ami à son père. Passé la surprise, la rancoeur et la colère vont prendre place chez Anita, quand elle découvrira qu'elle aura pris autant de risque pour une enfant qui n'était, en réalité, "qu'une androïde" amochée par une criminelle, celle-ci l'ayant volée pour en remplacer sa fille décédée.

15 février  - jonction Brèche / Passerelle   Se méfier du vieux qui dort

Anita est surprise par l'existence d'un forgeron en dehors du Gouffre et devient curieuse. @Danyl sera l'un des hommes les plus singuliers qu'elle aurait connu dans la Brèche. Contre toute attente, ils finissent par avoir un respect mutuel l'un pour l'autre : aussi, si elle a besoin d'un sabre, ce sera de la main d'un homme attaché aux valeurs... En échange de l'élimination d'un mafieux et d'une coquette somme, le vieil homme accepte de lui forger un sabre.    

20 février  -  Brèche   Miséricorde raide

Après sa visite chez Danyl, Anita décide d'éliminer le mafieux qui aura fait chanter le vieux forgeron. Durant sa filature, elle va croiser la route d'un cyborg en l'image de @Berserak. Il l'amocherait à un point tel qu'elle sombrera dans le coma, se réveillera plus d'1 mois plus tard.

27 mars - Lys, la tour d'Anita Ivoire

Récemment sortie d'un long coma, Anita souffre encore de séquelles qui l'empêchent de pouvoir sortir de sa tour (ce qui va indubitablement lui rappeler l'enfermement subie dans son enfance). Aussi, la visite du flic croisé lors de la fusillade la laissera agréablement amusée, mais aussi un peu circonspecte. Contrairement à @Jason, elle ne se souvient pas du tout de leur première rencontre étant enfant. En effet, celui-ci est le fils de Reynarth, gros bonnet du Lys qu'Anita rêve ardemment de voir plonger tant sa nature insulte le Lys à ses yeux. Alors, en échange d'infos compromettantes sur le père de Jason, Anita acceptera de l'aider à dénicher ce qui cloche chez son amie Mei.

13 avril  - Lys, zone pavillonaire   Nouvelle rhétorique robotique

Surprise, pour ne pas dire agréablement étonnée qu'Anax ait eu le courage de la contacter deux mois plus tard pour aller à la rencontre d'Ockham, son père. D'abord curieuse à son égard, car cherchant à deviner sa façon de penser, elle se retrouva vite déçue mais aussi inquiète et furieuse de découvrir son possible accointage avec le groupe responsable de l'attaque du 06 avril. Hélas, ayant besoin de lui pour réparer la carte mère qui innocentera Roxi, elle devra prendre sur elle... 

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RP en cours :

6 avril - durant la grande coupure Texture de silence (prologue event)



7 avril - après retour du courant Métamorphose

texte en vrac // biographie.

"le commencement te prend, t'arrache un bout de toi : l'insère, referme la plaie, et quand le temps germe, c'est de là que naissent tous les enfants."


" Un ange ?"

Il s'accroupit pour sembler moins intimidant : la vocation de protecteur vous forgeait à des manies qui s'ancraient comme des os. Et bien malgré lui (était-ce ses idéaux, son combat, son idée préconçue d'un monde meilleur ?) il ne put réprimer un sourire devant le regard émerveillé d'Anita. Il était si rare de la voir s'émerveiller.

"C'est un conte."

"Un con-te."  Elle fut songeuse. (ce qui était comique, pour une petite de quatre ans) Elle caressa la couverture d'un livre en fibres synthétiques recyclées qu'elle effleurait pour la première fois de sa vie. Dessus, des dessins de magnifiques créatures avec des ailes. Cette drôle de couverture, qu'on sus nommait du "papier", lui offrait une sensation de toucher qu'elle n'avait jamais expérimenté. Elle tâcha de passer à l'image suivante, en glissant son index : de droite à gauche.
Enor éclata de son rire caractéristique qui sonnait comme un aboiement.

"- Ca ne marche pas comme ça."

Il consentit finalement à s'assoir à côté d'elle sur le tapis aux broderies affectées. Il attrapa un coin du "papier" en piteux état, et le tourna. Anita s'exclama, rapprocha son nez de l'image.

"- C'est de la ma-gie ?"

"- Comment tu connais la magie petite ?"

"- Vous m'en avez parlé. "

Ah. Il avait passé de si longs mois ici qu'il ne savait plus ce qu'il avait bien pu extraire des histoires héritées de sa propre enfance. Sa fonction était de veiller sur la demeure et de répondre aux exigences du Mécène... Depuis plusieurs semaines cependant, les ordres se cantonnaient à veiller sur sa fille. Le Mécène se faisait languir de sa présence, pris dans des affaires qui ne le concernaient pas : alors pourquoi avait-il ce goût amer, âcre dans sa bouche, à chaque fois qu'il y repensait ?

"- est-ce que les anges, ils sont là haut ?"

"- là haut ?" il fut surpris. Son grand-père lui avait cité le ciel, mais ça : il était certain de ne l'avoir jamais raconté. Elle tourna vivement sa tête vers lui, ses cheveux entrainés par l'impulsion comme des brins de nylons saisis par le soleil.

"- oui, tout là haut, sur les plateformes ?"

Il resta interdit.

"- Non petite, sur les plateformes, ce sont sûrement des personnes, comme toi et moi."

Loin d'être déçue, elle en fut heureuse - la raison de sa conclusion contentée, elle la garda jalousement pour elle, et de ce mouvement que semble détenir tous les enfants par loi universelle, elle serra les pages racornies contre elle, aussi bien qu'on le ferait avec une peluche.

Le petit Enor courrait, avec l'agréable sensation d'accrocher l'air ambiant et bientôt... il le pensait vraiment, il saurait voler ! Derrière lui, d'un an son cadet, Jarod le suivait. Les mains le long du corps, il adoptait cet air déféré aux grandes personnes qui en auraient trop vu, celui de son père, et parce que ce dernier lui avait appris le sérieux et l'ordre, il imitait tout aussi bien sa mère. Il savait que dans un avenir proche il n'aurait plus besoin de courir pour dépasser les autres.


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8 décembre 7990

Jarod avait éclos d'une manière telle qu'on le remarquait. La démarche assurée et aérienne d'un jeune homme qui voulait vivre, des traits d'une finesse égale à celle de son père. Il riait comme le font les enfants, pleinement, au raz des fous rires heureux, pris de fausse politesse, une main sur sa bouche et sa boucle d'oreille, jolie croix argentée, bougeant comme une clochette. Ses yeux pétillaient devant les situations insolites, loin des manières protocolaires de son père qui eut toujours été d'un flegme reposant, aussi avait-il développé, par corrélation, cette arrogance native aux personnes imbues d'elles-mêmes.
En comparaison, Enor était un individu plus rustaud. Arrête du nez forte, grande carrure, la manie incorrigible de tenir ses mains dans les poches, ce qui donnait à son allure cet air légèrement déjeté. Cela dit, il se dégageait de lui une attitude avenante et accessible, qui faisait complètement défaut à Jarod.

Le soir de la promotion d'Enor, un banquet fut organisé. On leur serra la main, à tour de rôle, l'on discuta de sujets formalistes auprès de Jarod. Enor, dans son coin, se vit gratifié d'accolades plus chaleureuses. Après le temps des verres, Jarod s'informa de son frère adoptif qu'il aperçut riant avec les autres - ce genre de rire un peu penaud mais entier.
A vingt-heures trente, les convives n'eurent plus suffisamment de ressources à échanger à Jarod. Celui-ci, comme à sa doyenne habitude, se sentit ceint par cette palissade incompréhensible. Pourtant loué et admiré, acteur actif de son entourage et maître en sa demeure, il restait en marge du monde, comme recouvert d'un champ de force agréable, similaire à ce dôme au dessus de leur tête, que nul ne désirait franchir.

Il était trois heures du matin. Anita avait fait un cauchemar. En sueur et affolée, elle couvrit son visage de ses mains en chouinant. A chaque terreur nocturne, c'est ce qu'elle faisait, avant de pouvoir reprendre un peu de souffle, et compter dans sa tête...
1, 2, 3, 4 ...
autant de temps qu'il faudrait pour que la peur s'évade
Parfois, comme ici, la peur ne voulait pas partir. Elle restait sagement tapie dans les ombres d'où elle avait germé : Anita l'imaginait prendre forme : qu'elle quitte les draps et elle en surgirait de sous le lit, qu'elle ferme les yeux et elle pendrait juste en face d'elle...
Alors elle comptait.. et si ça ne fonctionnait pas, elle se lèverait pour récupérer le livre.

C'est ce qu'elle fit au final, très vite, un peu renversée par sa propre audace. Tremblante, une fois arrivée à la commode métallique elle rattrapa son livre en urgence et le câlina derechef, comme avec une peluche. Elle regarda par terre, pour ne pas regarder à côté, vers les ombres. Elle sentait sa gorge sèche, souhaita un peu d'eau, mais elle sut que personne ne viendrait lui donner à boire. Quand elle s'endormait, Enor s'éclipsait elle ne savait où. Son père lui disait qu'il fallait être courageuse et surmonter ses démons. Quant à sa mère, elle était constamment prise dans les vapeurs de son orgue d'humeur qu'il ne lui donnait pas du tout envie de s'occuper de sa fille.

A quatre ans, Anita s'était habituée à subir la peur seule mais ses gestes étaient gauches, et ses pensées très connectées aux images d'une enfant de son âge. Son père avait beau l'initier à des exercices si scrupuleux qu'ils en devenaient saugrenus - us et coutume, écriture, notions sommaires sur leur monde-  il prétendait que plus tôt l'apprentissage débuterait meilleure en serait les résultats, car à l'âge le plus tendre, soutenait-il, les enfants étaient "de vraies éponges" - la peur, cela dit, la peur et ses multiples visages prenaient toujours le pas sur des explications rationnelles.

Anita garda son livre protecteur contre elle. Celui qu'Enor lui avait offert, en fibres synthétiques. Dessus des anges, des créatures foncièrement bonnes et gentilles qui la protégeraient : elles en terrassaient les ténèbres.
Reniflant un peu, elle se décida à aller boire. Dans cet étage, il n'y avait au plus fréquent qu'elle, Enor et son père.
Trop souvent sa mère ne voulait voir personne, elle préférait rester à part, à l'étage du dessous.  

Encouragée par son livre qu'elle portait contre sa poitrine comme un talisman, Anita sortit hors de sa chambre, puis emprunta le long couloir. Les ombres lui souriaient mal et leur mâchoire était hideuse. Mais Anita avait les anges avec elle. Tout au bout de l'allée, une lumière, d'un jaune cru, filtrait à travers l'avant-dernière porte. Cette lumière lui rappela suffisamment les forces célestes pour qu'elle s'en approche...


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"Enor... être violent c'est bien ?"

Elle l'avait dit à brûle-pourpoint, laissant Enor sidéré. Elle posait toujours des questions qui n'étaient pas de son âge à cause de ce début de formation néfaste que lui imposait le Mécène. Ici,  c'est comme si elle espérait se rassurer d'un étrange tracas, qu'Enor ne pouvait deviner...

"Comment ça, petite ?" se risqua-t-il à avancer - ce qu'elle lui disait était aussi préoccupant qu'incompréhensible

Elle haussa ses frêles épaules. Sa mère s'était échinée à convaincre Wallace de lui apporter une noeud qu'elle pourrait nouer dans ses cheveux. Qui pourrait cerner ce qui lui tenait tant à coeur d'en réitérer la demande ? Mais Anita jouait avec, plutôt, entre ses petits doigts.

"Les démons...pour les faire disparaître, les anges ils ont des lances"

Sur le livre, qu'elle sous entendait, comprit-il

"Oui." admit-il
"Et les anges, ils font le bien... ?"
"Oui."
"Alors les anges, ils sont violents aussi"
Il resta interdit.
"C'est... plus compliqué. Il s'agit d'un conte. Les démons ne sont pas des vraies personnes comme toi et moi."
"Mais papa dit... (elle inspira fort) papa dit il y a des personnes démoniaques..." souffla-t-elle doucement. Il posa une main sur la sienne pour qu'elle cesse d'en triturer le ruban et capte mieux son regard, qui se fit grave.
"Les personnes démoniaques, petite, ne sont pas humaines."
Elle ne parut pas comprendre, tout de suite du moins.
"Elles sont quoi ?"
Il hésita à le prononcer, mais finit par céder.
"Des monstres. Ce sont des monstres."


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Son livre toujours serré contre sa poitrine, aussi silencieuse que possible, elle tendit sa tête en direction de la porte à peine entrouverte. Son oeil surpris, mal acclimaté par l'arrivée brutale de la lumière après tant d'obscurité, capta la forme d'une silhouette avachie sur une chaise. Autour de celle-ci, il y avait deux personnes : une femme et un homme, tous deux très musclés. Puis, elle reconnut alors son père. Calmement, il essuyait ses mains à l'aide d'un tissu blanc qui se coloria en rouge. Après quoi, il se retourna vers la silhouette assise, qu'Anita identifia enfin comme étant un homme. Il y avait un champ étrange d'un bleu électrique qui liait ses poignets et ses pieds à la chaise, et bâillonnait sa bouche : l'on entendit pas ce qu'il chercha à dire. Soudain, elle vit son père lui envoyer un violent coup de poing au visage. Encore, et encore. A côté de lui, les deux autres personnes le regardèrent faire.

Tu sais pourquoi je te garde près de moi ?
Pour me rappeler, chaque matin, les dangers d'un poison.
M'en prémunir, en quelque sorte.



Cette demeure était immense.
Les grandes personnes parlaient. Pour l'un des rares fois Anita n'avait pas souhaité écouter. En retrait dans le couloir, elle s'était ramassée contre la fenêtre aux carreaux azur: loin des baies vitrées de son chez-elle, celle-ci fut été façonnée en encorbellement. Sur le reste du mur s'alignaient ce qui ressemblait à des meurtrières - une chose qui n'existait plus vraiment à leur époque. Des meurtrières. Il paraissait qu'au travers de celles-ci,  l'on se faisait la guerre.
Son regard délavé regarda par delà les carreaux, chose coutumière de sa part.
Elle y vit un oiseau effectuer un vol plané, si haut, si lointain... Ici perchés au dixième étage, ils semblaient encore loin d'atteindre les plateformes. Avec une certaine timidité, elle apposa sa paume sur la vitre : peut-être espérait-elle que l'oiseau la remarque : mais déjà il s'éloignait, loin...

"Fais gaffe, tu pourrais passer au travers."

Elle sursauta, ravala un juron - un des favoris d'Enor. Ses yeux surpris se tournèrent vers le nouveau venu. Le jeune garçon pouffa devant son expression. S'asseyant à une distance honorable - qui trahissait la politesse qu'on lui avait inculquée par défaut- il pencha sa tête sur le côté au moment de l'observer. La jeune Anita porta ses doigts à ses pommettes.

"J'ai quelque chose sur le visage ?"

Il resta silencieux un bref instant, détourna le regard.

"Non."

Ré-adoptant un air plus éteint, qui l'habitait depuis plusieurs années déjà, elle le fixa sans un mot. Les habits de ce garçon étaient terribles, en son sens : un t-shirt large sans la moindre coupe, à la couleur délavée. Pour tout dire, on l'aurait cru sorti du Gouffre.

"Le Mécène, c'est ton père ?"

Elle acquiesça, en silence.

"Il me plaît bien. Certains se moquent de lui à cause de ses vêtements bon marché."

Bon marché était un terme très relatif au sein de leur cercle. De quoi signifier qu'il n'atteignait pas ce qui se faisait de plus élégant, de plus noble en la matière. Anita ramassa ses jambes contre elle, son menton déposé sur le tissu de sa robe blanche qui recouvrait ses genoux.

"Tu trouves, toi aussi ?"
"Moi ? Je pense que l'élégance ne s'achète pas."

Sans cligner des yeux, Anita enchaina d'une voix atone.

"Pourtant, les gens d'en bas n'ont aucune élégance."

Il lui lança un regard surpris.

"Comment tu le sais ? Tu en as déjà vus ?"
"On me l'a dit."

Il pouffa encore, posant ses paumes en arrière pour mieux s'appuyer contre, et battre des pieds au dessus des dalles de pierre qui brillaient, d'un bleu lunaire.

"Tu devrais te méfier de ce que disent les grandes personnes."
"Pourquoi ?"
"Tu l'apprendras, un jour..."

Pour la première fois, Anita lui trouva un certain intérêt. Alors, d'un geste un peu vif - contrastant avec ce qu'elle avait laissé entrevoir d'elle- elle tendit sa main vers lui.

"Je suis Anita, enchantée. Quel est ton nom ?"

Légèrement penaud., le garçon hésita un moment. Au final il se leva, s'approcha d'elle.

"Leiv, moi c'est Leiv."

(c) Red Charge, Dominik Mayer




"Puisque la guerre, décidément, s'accroche au monde comme un chancre, qui sait si ne viendra un temps où le monde aura pris l'habitude de continuer à vivre avec cette saleté sur lui ? Les choses iraient leur train, comprends-tu, la guerre étant là, tolérée, acceptée." - Genevoix

Les grandes misères de la guerre.
A ses quatorze ans, Anita avait passé la nuit entière à écumer l'immense bibliothèque virtuelle au travers de références peu attractives, bourrées de numéros sans habillage, stockés sur des pages du métaverse blanches... Leur monde était déjà en déclin, pourquoi se fatiguer à chercher d'un passé qui n'existait plus ?

Parmi les textes approximatifs - ils furent ainsi notés, dates approximatives, version approximative- au centre de ceux-ci, une gravure :  une eau-forte, intitulée Les grandes misères de la guerre. portée par cet arbre immense et mortuaire.
A cela s'ajoutait ce qu'on supputait être un fort pourcentage de morts. Combats, exactions, épidémies, pillages, famines... Son doigt sur l'hologramme, elle avait souligné les lignes, qui avaient divagué à son passage, comme chatouillées. Perdue dans les détails... Son regard était devenu défait, déconfit.

Au petit matin, Enor l'avait trouvée, une fois de plus, sur ce bureau en verre trop grand pour elle, dans sa petite toge noire, ses sourcils froncés et son visage soucieux, habitée d'un tracas qui lui empoignait, en réalité, le coeur, à ne savoir s'en défaire.

"Tu n'as pas dormi. Encore."

Elle hocha de la tête, continuant de faire glisser les panneaux holographiques. Toute la nuit durant, elle fut été incapable d'en connaître plus sur cette période diluée... Les récits ressemblaient au conte de son livre synthétique. Des palabres non factuelles, romancées. Ses recherches infructueuses l'avaient ainsi tenue éveillée, perdue qu'elle fut dans cet écart où les vivants s'éteignent sur huit à douze heures, espace-temps sous forme de boucle avec pour seul point de retour un matin difficile.
Combien de morts ?
Combien de peuples détruits dont elle ne savait rien ?
Combien ?

Sans un mot, Enor éteignit le boitier. Anita, elle, continuait de fixer ce qui était devenu du vide, transpercé par les rayons timides, voilés, de sa baie vitrée, fouillant encore, par delà la disparition des hologrammes...

"Viens. Il te faut dormir."

Lentement, elle revela ses yeux vers lui, prise par un incoercible sentiment d'injustice.

"Ca n'a jamais changé... ça ne changera jamais... n'est-ce pas ?"

Il n'aurait su être surpris. Anita avait cette propension d'émettre des phrases sans en souligner le contexte. Malgré tout, il ne lésinait pas d'efforts pour lui rendre l'écho de ses pensées, qu'elle puisse y trouver un socle stable sur lequel rebondir.

"Quoi donc, Anita ?"

"Les humains." Plus qu'un murmure, tandis qu'elle tournait sa tête vers la baie vitrée, là où son quartier lui paraissait si doux... "Les humains n'ont jamais cessé d'être mauvais."

Enor resta interdit.

"Moi, ai-je fait du mal quand je pouvais l'éviter ?"

Un peu troublée, son visage se tourna vers lui.

"Non."

"Bien. Tu vois. L'on peut choisir d'être bon. L'on a toujours le choix."

Elle resta éteinte. A sa propre surprise, Enor la vit se ramasser sur son siège, pour enfouir son visage entre ses bras, comme si elle voulait se cacher aux yeux d'un monde peu méritant.

"...Est-ce que les plateformes ont fait le choix de nous protéger ?"

Il la considéra, plus fermé.

"Tu penses que c'est ce qui s'est passé ?"

"Je ne sais pas... " admit-elle.

Perdue, auprès de la seule personne en face de qui elle se montrait vulnérable. Dans un soupir contrit, Enor alla déposer sa main caleuse sur la tête blanche de l'enfant, l'incitant au repos.

"Te souviens-tu de ce conte, sur le paradis ? Si toutes les personnes étaient foncièrement bonnes, nous y serions. Mais tout n'est pas si simple. Alors, le seul équilibre qui nous préserve d'en devenir mauvais, ce sont les bons choix à notre portée."

"Connais-tu l'histoire de l'hydre ?"
L'hydre ?
L'hydre ?

"Connais-tu l'histoire de l'hydre ?"


.....


La cigarette au bec, assis sur ce haut balcon : derrière, la pièce était recouverte des draps et de poussière. Enor, âgé de 14 ans, ferma un oeil. Il tendit sa main pour essayer d'en écraser les tours blanches de son poing... ça marchait drôlement bien. Il souffla la fumée par le nez, se massa la nuque... C'était, à n'en point douter, l'un des plus beaux panoramas qu'il ait jamais vu, et il le haïssait tellement... Un jour, je le fuirai, songea-t-il.

"Connais-tu l'histoire de l'hydre ?"

Il était resté pour elle. Mais leur couple s'était déchiré quand le vide de cette chambre les avait écrasés. Dans ce qu'ils avaient confectionné rien que pour le silence. Dans les décorations murales qui se voulurent mortuaires. Ou peut-être car Enor ne pouvait supporter la douleur pour deux. Lui qui, au fond, n'avait jamais souhaité devenir père, il craignit, à présent, que ses arrières pensées aient poignardé celui qui ne vit jamais le jour.

"Moi je la connais"

Il n'avait eu le droit de la voir qu'une fois qu'elle fut en âge de commencer à parler. Dans la grande pièce, ce long couloir était une épreuve autant pour les invités égrugés par les mètres drapés que pour lui : il ne supportait plus ces tunnels blancs qui semblaient vous guider vers des clichés d'après mort. Mais pour une si petite, ah... il fallait lui reconnaître une certaine pugnacité quand elle le traversait. Jarod discutait avec son personnel : il n'avait pas remarqué la fuite de sa fille chez qui on ressentait déjà cet intérêt pour les escapades, qu'elles soient réelles ou imaginaires ! Seul Enor, son oncle, s'en soucia qu'il semblât ! Il s'avança par larges foulées, inquiet de la voir tomber... Mais soudain, il ralentit, puis s'arrêta, interloqué, quand il comprit où elle se rendait. Jarod resta tout aussi interdit. Lui qui s'en aperçut, voilà que celle-ci accourait... oui elle accourait, littéralement ! Sur le tapis rouge brodé, de ses petites jambes, avec toute l'énergie que l'éclat des murs saurait lui donner. Et pof ! Elle retomba contre la longue cape en velours d'Enor : son oncle la retint aussitôt, guidé par ses reflexes de protecteur. Enfin stoppée dans sa course... La petite Anita de trois ans leva un visage radieux vers lui. Tout sourire, elle avait atteint sa destination. Alors elle éclata d'un rire heureux, un rire qui se répercuta en écho dans le couloir (on eut l'impression que c'était tout ce couloir qui se mettait à rire à présent !)
Bien la première fois que la petite Anita courrait de la sorte. Plus que tout : bien la première fois qu'elle le faisait pour rejoindre quelqu'un....Non... Jamais encore Anita n'avait accouru de la sorte, pour quiconque. Surtout pas avec sa mère, et jamais pour son père...

"Ca dit que si on tranche une tête, deux repousseront."
"....Comment sais-tu ça, petite ?"
"Je l'ai lu sur ma tablette magique."
"Ah... vraiment ?" (et il s'en amusa, puisqu'il savait que ce n'était pas vrai)
"Mh mh."
"Et la suite de l'histoire, tu la connais ?"
"Oui, je te la lis."

Elle reposa la tablette sur ses genoux, trop grande pour elle. En souligna les lignes d'un texte, un peu au hasard. Sur le grand carré blanc, l'on put y lire : "Avant d'accéder à Terra2 Nous utilisons des cookies et d'autres données pour... "
Enor s'évertua à garder une mine neutre.

"L'Hydre, c'est le travail de quelqu'un... je sais pas exactement c'était quoi son travail."
"Ah."
"Il paraît il en avait plein de travail, des tonnes."

Elle souligna d'autres lignes, reprenant son récit ( Si vous cliquez sur "Tout accepter", nous utiliserons également des cookies et d'autres données pour ... )

"Un deuxième décida que c'était pas bien et alla tuer le monstre, qu'il est écrit."
"Quel était son nom ?"
"Je sais pas."
Enor émit un petit sourire, haussant des épaules.
"Mais à chaque fois qu'il coupait une tête, deux repoussaient ! Alors, à force de couper trop de têtes, un troisième lui dit : il faut cau...caucoriser la plaie, comme ça les têtes coupées elles repousseront plus et ils pourront tuer le monstre, ensemble."
"Voilà qui est judicieux. Qu'en penses-tu ?"
"...."

Doucement, la petite Anita releva son nez vers lui, cet air sauvageon d'enfant qui n'ose pas avouer son ignorance.

"Je sais pas ce que ca veut dire"

Elle l'admit, au final, car la curiosité avait pris le pas.

" "Cautériser". Ca signifie qu'il faut en refermer les plaies."
"Et après, le monstre pourra être tué ?"
"Et après le monstre pourra être tué. "